Le Prix Louis-Delluc au réalisateur Arthur Harari pour son film «Onoda», fresque humaniste sur la folie d’un soldat japonais

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Le réalisateur Arthur Harari a remporté mercredi le prix Louis-Delluc pour son film «Onoda, 10.000 nuits dans la jungle», fresque humaniste sur la folie d’un soldat japonais. Le réalisateur, né en 1981, succède au documentariste Sébastien Lifshitz, récompensé l’an dernier, a annoncé le président de ce prix, l’un des plus prestigieux du cinéma français, Gilles Jacob. Dans son film, Arthur Harari dresse en près de trois heures le portrait d’un soldat japonais ne voulant ni la paix ni mourir, et qui a continué de se battre trente ans après la Seconde guerre mondiale. Composé d’une vingtaine de critiques et personnalités, sous la présidence de l’ancien président du Festival de Cannes, le jury du prix Louis-Delluc a également récompensé, dans la catégorie premier film, «Vers la Bataille», d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux. Tourné au Cambodge et en japonais, «Onoda» avait été projeté à Cannes en ouverture de la section «Un certain regard» mais il était reparti bredouille de la quinzaine cannoise. Sorti en pleine crise sanitaire, il n’a fait que 45.512 entrées en salles. Son repêchage par le prix Louis-Delluc est un beau lot de consolation pour un film salué par la critique, et le jury a d’ailleurs annoncé souhaiter que soit organisée une nouvelle sortie en salles. «Onoda» et son réalisateur, dont c’est le deuxième film après «Diamant Noir» (2016), l’ont emporté face à des cinéastes confirmés qui étaient également en lice (Valérie Lemercier pour «Aline», Arnaud Desplechin pour «Tromperie», Bruno Dumont pour «France»…). «C’est un film stupéfiant qui réunit des qualités exceptionnelles dans la création, la fabrication ou la production. Le sujet est lui-même ahurissant avec ce soldat qui ne comprend pas que la guerre est finie», a souligné Gilles Jacob, dans le salon de l’hôtel Fouquet’s, où ont eu lieu les délibérations. «La mise en scène, pour un deuxième film, est éblouissante, avec une maîtrise du cinéma tout à fait rare. (…) C’est un film sur la solitude et la peur qui se ressentent (…) avec la sueur, la peau et les larmes. Le lauréat a été désigné presque à l’unanimité, ce qui n’est pas fréquent», a-t-il ajouté. Avec ce deuxième long-métrage, le réalisateur revient sur la vie d’Hiro Onoda, figure emblématique de l’histoire japonaise, qui, en s’exilant pendant près de trente ans dans la jungle aux Philippines, a refusé la capitulation japonaise de 1945. Une odyssée intime et intérieure d’un perdant de la Seconde guerre mondiale qui a préféré le déni à la réalité, entraînant avec lui plusieurs camarades d’infortune, mais aussi une fresque historique sur la folie d’un soldat. Héros ou anti-héros ? Le film ne tranche pas, même si c’est précisément cette ambivalence qui a séduit le réalisateur. «Je ne pourrais pas trancher sur son courage ou son absence de courage. Je pense qu’il est autant un lâche qu’un homme courageux. C’est ce qui m’a intéressé dans cette histoire, c’est la dimension contradictoire», expliquait-il à Cannes. «Quand j’ai découvert cette histoire, elle m’a tout de suite fasciné. Je pense que c’est la question, d’une certaine manière, du refus d’accepter la réalité telle qu’elle est qui m’a sauté aux yeux», ajoutait-il. Un destin hors du commun «qui dépasse des questions strictement morales». «C’est compliqué moralement à juger mais c’est humainement intéressant», a-t-il dit. Très travaillée avec ses longs travellings, la mise en scène parvient à souligner le mystère d’un être difficile à cerner mais dont l’entêtement a tout d’une quête mystique. Le tournage de cette production internationale, qui s’est fait en japonais, a aussi été un défi pour Arthur Harari, qui ne maitrise pas la langue.