Le téléphone portable, le «doudou» de nombreux collégiens

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C’est le «doudou» de nombreux collégiens, un objet avec lequel trois professeurs en REP+ et en zone rurale, apprennent à composer: le téléphone portable, interdit en classe, mais omniprésent dans l’esprit de leurs élèves. 

Camille, 39 ans, professeure d’histoire-géographie dans un collège classé REP+ d’une petite ville des Yvelines: «Le téléphone devient vraiment important à partir de la quatrième. Certains élèves sont complètement dépendants. La dernière fois que j’en ai confisqué un, l’élève s’est mis à genoux en m’implorant. J’étais tellement impressionnée par sa réaction que j’ai failli le lui rendre. Mais face à la classe, je me devais d’aller au bout de ma décision. Ce rapport de dépendance est assez récent. Ils restent connectés entre eux sur Snapchat, la nouveauté est Tik Tok. Un des problèmes courants est le fait que nos élèves veillent trop tard et manquent de sommeil. Nous recommandons donc aux parents de récupérer le téléphone à une certaine heure. Les parents sont partagés entre l’envie de protéger leurs enfants des téléphones, et le fait qu’ils sont conscients que ne pas en avoir coupe leurs enfants de leurs amis, les rend différents. En classe, le téléphone est désormais interdit. La première année, cela a été un peu dur mais depuis, cette règle est bien intégrée par les élèves. Ils recommencent à se demander l’heure, ce qui n’arrivait plus depuis l’usage des téléphones portables». Céline, 45 ans, professeure d’histoire-géographie dans un collège REP+ d’une ville moyenne du Haut-Rhin: «En classe, l’utilisation du téléphone est interdite. S’ils le font, c’est extrêmement discrètement, ce n’est pas gênant. Ils sont sur leurs téléphones pendant la récréation, pendant les sorties scolaires… Ils écoutent de la musique ou ils regardent des vidéos, ils trainent sur Tik Tok… On a fait une sortie avec des troisièmes, ils ont discuté pendant le repas et après, ils ont formé des groupes entiers où chacun était sur son téléphone. Ils ont tendance à se réfugier sur leur portable, un peu comme un doudou. C’est un réflexe. J’ai l’impression que le retour à une vie normale, après le Covid, risque d’être compliqué voire impossible pour cette génération qui n’aura vécu que par les téléphones avec les copains. Ils sont aussi soumis à des jeux, encouragés sur TikTok, comme le «rêve indien» qui consiste à se retenir de respirer. Dans une de mes classes de sixième, la majorité des élèves avaient fait ce jeu-là. C’est assez inquiétant. Un message a été envoyé aux parents pour qu’ils soient vigilants». Philippe, 54 ans, enseigne l’histoire-géographie dans un village du Puy-de-Dôme: «Quand un téléphone vibre pendant un de mes cours, ce qui est rarissime, je demande simplement à l’élève de l’éteindre. Je n’ai pas à faire la guerre au portable. Cela ne signifie pas pour autant que certains élèves n’en fassent pas usage, dans la cour ou les toilettes. En classe, je ne demande pas d’utiliser le téléphone ce qui peut arriver avec des collègues. Pourquoi pas ? une seule limite à mes yeux: quel est le forfait internet de chaque élève ? Dans d’autres situations plus délicates, le téléphone portable est à l’origine de relations conflictuelles entre adolescents avec la circulation inattendue de certaines photos ou de propos peu avenants. Les enseignants ne sont pas en première ligne à ce moment-là: ce sont le chef d’établissement et la CPE qui doivent traiter la situation. Il est aussi indispensable que les adultes montrent l’exemple en n’utilisant pas leur propre téléphone devant les élèves».