Les journaux augmentent leurs tarifs en kiosque, accélérant la mue de la presse française vers le numérique

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Après «Le Monde», «Le Figaro» et «Libération» ont augmenté en ce début d’année leurs tarifs en kiosque: la presse française poursuit sa mue numérique, accélérée par la crise du Covid-19, aux dépens du papier. 

Dans un «A nos lecteurs» publié dans son édition de samedi, «Libération» a expliqué «subir, comme toute la presse, la hausse spectaculaire du prix du papier. (…) Nous sommes dans l’obligation d’augmenter notre prix de vente». Le quotidien de gauche limite toutefois cette majoration au week-end: il sera vendu le samedi à 3,50 euros et non plus à 3 euros. Le prix en semaine n’est pas modifié (2,50 euros), tout comme celui des abonnements. La semaine passée, «Le Figaro» annonçait «augmenter (son) prix de vente unitaire de 20 centimes», un montant identique à celui décidé par «Le Monde» quelques jours plus tôt. «Le Figaro» dénonçait lui aussi la progression brutale du prix du papier (plus de 50% de hausse), mais aussi celle «spectaculaire» de ceux de l’énergie, engendrant une progression de ses coûts industriels. D’autres avant eux avaient annoncé une augmentation pour 2022, parmi lesquels, «Les Echos», mais aussi le «Télégramme», le «Dauphiné Libéré» et «Télérama». «Le renchérissement des prix en kiosque va contribuer à accélérer la mutation des journaux vers le numérique», a estimé Jean-Clément Texier, président de l’Ecole de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM). Un mouvement déjà bien enclenché ces dernières années et qui a connu un coup de fouet en France lors du premier confinement dû à la crise sanitaire au printemps 2020. La fermeture de nombreux points de vente et la crainte de sortir à cause du virus avaient conduit de nombreux lecteurs à se tourner vers une information en ligne. 

Cette hausse du prix en kiosque va aussi «creuser la tombe de la vente au numéro» par rapport à l’abonnement, a ajouté M. Texier. Selon Patrick Eveno, professeur à la Sorbonne et spécialiste des médias, les journaux n’ont pas tous effectué leur mutation vers le numérique à la même vitesse, ce qui les rend plus ou moins vulnérables économiquement quand ils augmentent les prix de leur version papier. ««Le Monde» et les «Echos» ont amorcé leur virage numérique avant les autres et ils l’ont réussi», a-t-il constaté, soulignant que les trois quarts des lecteurs du quotidien du soir étaient sur internet, le quart restant sur le papier. Aux Echos, la proportion est de deux tiers/un tiers, a-t-il poursuivi.

En revanche, la presse quotidienne régionale française est très en retard, certains de leurs lecteurs étant moins à l’aise avec les ordinateurs mais aussi parce qu’une partie de leurs annonceurs préfèrent encore avoir des publicités sur le papier. «Aux Etats-Unis, la presse régionale a quasiment disparu car elle n’est pas parvenue à faire son virage numérique», a mis en garde M. Eveno. Cette mue est donc indispensable pour la survie des titres, d’autant plus que même les lecteurs âgés se sont adaptés aux nouvelles technologies. «Il n’y a plus de barrière de l’âge. Il existe des seniors qui sont de véritables geeks», estime M. Texier.Néanmoins, la fin définitive du papier n’est pas pour demain. «Il restera toujours une petite minorité prête à payer cher», prédit le président de l’EJCAM. Et M. Eveno de renchérir: «le papier reste un produit d’appel pour attirer les gens vers le numérique».