Une coalition de petites entreprises américaines veut briser la toute-puissance d’Amazon

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Ils écrivent les règles du jeu et ils jouent à ce jeu en même temps», résume Danny Caine, un des dizaines de milliers de patrons de PME américaines qui ont formé une alliance contre Amazon et ses pratiques jugées anti-concurrentielles. Pour ce libraire et toute la coalition baptisée «Small Business Rising» («Les petites entreprises vent debout»), il est urgent que le gouvernement reprenne la main, et écrive lui-même les règles du jeu du commerce en ligne. «La mainmise d’Amazon sur le e-commerce est l’une des principales menaces que doivent affronter les commerces indépendants», souligne la nouvelle organisation dans un communiqué publié mardi, au nom d’une vingtaine d’associations professionnelles (épiceries, quincailleries, librairies…), qui représentent plus de 60.000 entreprises aux Etats-Unis. Elle appelle Washington à freiner l’expansion du géant des technologies et de la distribution, et même à le casser en plusieurs morceaux moins menaçants. Leurs plaintes ne sont pas nouvelles, mais elles ont plus de chances de se faire entendre après une année de pandémie qui a largement enrichi Amazon et alors que l’opinion publique et celle des élus semble tourner en leur faveur. «Aucun des deux partis n’aime particulièrement les monopoles des grands groupes de la tech. Et ce soutien des deux bords politiques, c’est une vraie opportunité», s’enthousiasme Danny Caine, le propriétaire d’une librairie à Lawrence, dans le Kansas. Il a pris bonne note des signaux envoyés par Joe Biden, qui a nommé la juriste Lina Khan, une célèbre pourfendeuse des Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) à l’autorité américaine de la concurrence (FTC). Surtout, les autorités fédérales enquêtent depuis longtemps sur la domination de pans entiers de l’économie par ces firmes de la côte Ouest. En octobre dernier, un groupe de travail de la Chambre des représentants a publié un dossier accusant les Gafa d’abus de position dominante. «Small Business Rising» approuve les conclusions de ce travail parlementaire qui a montré qu’Amazon «demande des commissions exorbitantes, impose des conditions étouffantes et soutire des données de grandes valeurs de fabricants et de commerçants indépendants pour les utiliser sur sa plateforme». La place de marché a permis à des PME de générer des centaines de milliards de dollars l’année dernière, a répondu le groupe. «Et leurs ventes ont progressé beaucoup plus rapidement que celles des produits d’Amazon», a insisté un porte-parole. «Des critiques égocentriques poussent pour des interventions malavisées dans l’économie de marché qui tueraient les distributeurs indépendants (…) et réduirait les choix des consommateurs», a-t-il encore argumenté. Mais les changements impromptus des règles de la plateforme et de ses algorithmes, ainsi que la hausse des commissions rendent très difficile, voire impossible, pour une entreprise de prospérer sur Amazon, assure Stacy Mitchell, co-directice d’une ONG qui défend les communautés et organisations locales (Institute for Local Self-Reliance). «Il y a 5 ans, Amazon prélevait en moyenne 19% des recettes des commerçants. Maintenant c’est 30%», note-t-elle. «Les vendeurs présents depuis plus de 5 ans ne représentent que 10% des ventes réalisées par des tiers sur la plateforme. Cela montre que la plupart des entreprises ne tiennent pas plus que quelques années». La coalition attend du gouvernement démocrate qu’il démantèle le colosse, comme c’est arrivé à des monopoles dans le passé, des chemins de fer à la fin du 19e siècle à la compagnie de téléphone AT&T dans les années 1980. Elle voudrait que les lois anti-monopoles soient mieux appliquées, voire réécrites pour ne plus se concentrer essentiellement sur la question des prix.