«Yellowstone», la série qui réconcilie une Amérique profondément divisée sur le plan politique

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Avec ses héros à la gâchette facile, sa célébration des rodéos et ses moqueries sur les Californiens bien-pensants, la série télé «Yellowstone» paraît taillée sur mesure pour flatter l’Amérique conservatrice et son électorat républicain. Mais ce western moderne, mâtiné de soap-opéra, a fini par séduire toutes les sensibilités, devenant un rare terrain d’entente culturel dans un pays profondément divisé sur le plan politique. La série, où les intrigues familiales alternent avec des scènes d’action souvent violentes, met en scène la dynastie Dutton et son patriarche joué par Kevin Costner. La famille possède un ranch aussi vaste que magnifique dans l’Etat sauvage du Montana (nord-ouest), près du parc national de Yellowstone, et tente par tous les moyens de le protéger contre les visées de promoteurs immobiliers malfaisants, de politiciens cupides et d’Amérindiens réclamant leurs terres ancestrales. Lorsque «Yellowstone» a commencé à être diffusée en 2018, elle s’est constituée une fidèle audience dans les zones rurales et les petites villes américaines, où la télévision a encore l’ascendant sur les plateformes de streaming. Mais le lancement de la 4ème saison en novembre dernier par le réseau Paramount avait attiré 11 millions de spectateurs, une performance supérieure à celle de la 4ème saison de «Game of Thrones». «Juste parce que ça se passe dans le Montana et qu’il y a des éleveurs, les gens disent que c’est une série pour la droite républicaine», réagit le président de Paramount Network, Keith Cox. «Mais maintenant, on s’aperçoit que c’est une série pour tout le monde», se réjouit-il. Preuve d’un succès qui transcende les opinions politiques, «Yellowstone» vient d’être reconnue par Hollywood en décrochant sa 1ère nomination pour les SAG Awards, prix remis par le Syndicat des acteurs américains, une organisation peu suspecte de sympathies conservatrices. Comment la série a-t-elle tapé dans l’oeil des élites? La présence d’une star de cinéma comme Kevin Costner a joué un grand rôle. Au fur et à mesure qu’elle gagnait en popularité, «Yellowstone» a aussi été beaucoup comparée à une version western de la série HBO «Succession», succès critique mettant là encore en scène une famille riche qui se déchire, mais avec cette fois-ci pour décor le milieu des affaires de New York. Si les deux séries affichent des patriarches dominateurs, des magouilles politiques et des hélicoptères privés, les valeurs qu’elles véhiculent sont diamétralement opposées. Les héritiers cyniques et égoïstes qui redoublent d’efforts pour trahir leur père dans «Succession» rebutent de nombreux Américains, relève Mary Murphy, spécialiste de l’industrie du divertissement et de la pop culture à l’université de Californie du Sud. Par comparaison, «Yellowstone» peut se résumer à l’histoire toute bête d’un homme «qui utilise ses liens avec les gens pour préserver la terre», analyse Mme Murphy. «Ceux qui regardent ça, se sentent confortés dans leur mode de vie simple», estime-t-elle, notant l’importance que cette dimension a pu avoir pour lutter contre le sentiment «d’insécurité» provoqué par la pandémie. La série joue aussi à fond la carte de l’authenticité avec ses éleveurs de bétail et ses rodéos, même si elle force souvent le trait sur la violence et les scandales pour faire avancer l’intrigue. Certains ont bien essayé de faire de la série un porte-étendard des idées de la droite conservatrice, citant en exemple certains passages censés critiquer le mouvement «woke» et l’hypocrisie des défenseurs du climat. Mais le patron de Paramount assure que la série «ne prend jamais parti». «Je n’ai pas l’impression qu’elle brandisse le drapeau d’un camp ou d’un autre. Anti-woke? Je pense qu’elle est juste réelle».