Le stand du parti d’Emmanuel Macron sur «Minecraft», un jeu de réflexion autour de l’extrême gauche ou encore un jeu de tir représentant le candidat d’extrême droite Eric Zemmour: la campagne présidentielle française investit l’univers vidéoludique pour convaincre une cible plus jeune. C’est par un message cryptique – une suite de nombres entre deux emojis représentant une brique et une pioche – que l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron s’est adressée fin mars sur Twitter aux fans de «Minecraft», l’un des jeux vidéo les plus populaires au monde. Le message est en réalité l’adresse d’un serveur permettant d’explorer un monde virtuel dédié à la communication du chef de l’Etat. En parcourant la ville de briques numériques, les joueurs peuvent notamment découvrir des éléments du bilan du quinquennat qui s’achève ou du programme du président-candidat. «Le public, ce sont les 15-20 ans, une population à laquelle ne s’intéressent pas forcément les politiques», relève son équipe de campagne, qui entend «faire participer au débat civique du moment», tout en affirmant être «très modeste sur cette initiative». De fait, l’expérience est «un peu vide», analyse Olivier Mauco, enseignant à SciencesPo et spécialiste des jeux vidéo et de la politique. «Si c’est un lieu de militantisme, il faut des forces vives. On doit pouvoir y discuter avec soit des «bots» (personnages gérés par le logiciel, NDLR), soit des gens», ajoute-t-il. Si l’utilisation de «Minecraft» est inédite, les jeux vidéo et le réseau social Twitch destiné aux «gamers», via notamment des interviews politiques, ont déjà été utilisés à plusieurs reprises comme un outil de communication électorale. Avant l’irruption du «métavers» dans le vocable marketing, une fausse Ségolène Royal, candidate à l’époque, une île (Nicolas) Sarkozy, qui a emporté le scrutin, et un vrai bureau du Front national (extrême droite) avaient déjà fait leur apparition… lors de la campagne présidentielle en 2007 dans le jeu «Second Life», où des centaines de milliers d’internautes pouvaient vivre une nouvelle vie. «Il y avait une permanence systématique de militants, vous aviez des réunions, c’était bien plus vivant», rappelle Olivier Mauco. La différence avec aujourd’hui, c’est que «la démocratie en ligne n’existe plus alors qu’en 2007, c’était un espoir». Les campagnes présidentielles françaises voient également émerger des productions de militants, rarement commandées par l’équipe de campagne officielle.Rapides à produire, elles consistent souvent à répliquer des jeux connus et à leur appliquer un simple habillage politique, dans l’intention de faire un coup médiatique. Ainsi, début 2022, un jeu consacré à Eric Zemmour et baptisé «le Z» a été mis en ligne. Il reprend toute la rhétorique du candidat d’extrême droite, représenté en train d’affronter ses ennemis à l’aide de drapeaux français. La France Insoumise (extrême gauche), rompue à l’exercice, avait imaginé en 2017 un jeu en ligne baptisé «Fiscal Kombat», pastiche de la franchise «Mortal Kombat», dans lequel son candidat Jean-Luc Mélenchon affrontait plusieurs personnalités politiques pour récupérer de l’argent public. «C’était un jeu correct, avec un «gameplay» (manière de jouer, NDLR) au service du message politique», estime M. Mauco. Cette fois-ci, les bénévoles du parti ont lancé «L’AEC (avenir en commun) est toi», un jeu d’énigmes permettant de découvrir les propositions du candidat. «Ici, l’objectif n’est pas de toucher des utilisateurs déjà existants comme cela est le cas pour Emmanuel Macron dans «Minecraft», mais plutôt de contribuer à l’image d’innovation (de la candidature de Jean-Luc Mélenchon) comme on l’a vu dans ses meetings politiques», notamment avec les hologrammes auxquels il a recourt, explique Guillaume Doki-Thonon, co-fondateur de Reech, entreprise spécialisée en marketing d’influence.


































