Ecoutes illégales : la justice grecque entame l’examen du scandale Predator

Ecoutes illégales : la justice grecque entame l’examen du scandale Predator
©Philippe Turpin/BENELUXPIX/MAXPPP - Flag | Drapeau grec 28/10/2009 (MaxPPP TagID: maxstockfr057526.jpg) [Photo via MaxPPP]

Trois ans après l’affaire des écoutes téléphoniques illégales visant hommes politiques et journalistes, la cour pénale d’Athènes a entamé mercredi l’examen de ce retentissant scandale politique qui a éclaboussé la Grèce. Quatre personnes, deux Israéliens et deux Grecs, comparaissent pour «violation du secret des communications téléphoniques» et encourent une peine de cinq ans de prison maximum. Leur procès, qui devait débuter en mars, avait été reporté de six mois. Trois des accusés sont d’anciens responsables de la société grecque Intellexa, qui a commercialisé le logiciel espion Predator en Grèce. Elle avait été ajoutée en 2023 à la liste américaine des entreprises interdites car constituant un risque pour la sécurité nationale, avec la société Cytrox, qui avait mis au point le Predator. Ce logiciel permet d’accéder aux messages, aux photos et même d’activer le micro et la caméra de l’appareil infecté à distance. L’une des principales victimes de ces écoutes, le journaliste grec de renom Thanassis Koukakis, voit dans ce scandale «une véritable violation de l’Etat de droit». L’affaire, notamment révélée début 2022 par ce spécialiste des affaires financières et des médias grecs d’investigation, a ébranlé le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis et entraîné la démission du chef des services de renseignement grecs et d’un proche conseiller et neveu du Premier ministre. Victime de Predator et placé sous surveillance par les services de renseignement EYP, Thanassis Koukakis s’est constitué partie civile. «Ma surveillance a commencé par les services secrets en juin 2020 avant que mon téléphone ne soit infecté un mois plus tard par le Predator», raconte le journaliste. Selon lui, «le gouvernement a minimisé l’affaire au début pour couvrir les vrais responsables politiques». Le scandale a pris de l’ampleur en juillet 2022 quand le chef du parti socialiste d’opposition Pasok-Kinal, Nikos Androulakis, et alors député européen, a révélé que son téléphone portable a fait l’objet d’»une tentative d’infection» par le logiciel malveillant. «C’est à ce moment-là qu’un important réseau de surveillance a été révélé accélérant l’enquête judiciaire», souligne M. Koukakis, alors journaliste à CNN Grèce et collaborateur de plusieurs médias étrangers. Kyriakos Mitsotakis, qui a dû alors affronter une motion de censure au Parlement dans cette affaire, a assuré devant que la surveillance était légale. Depuis, le Parlement a voté l’interdiction des logiciels espions. Des listes de personnalités surveillées ont ensuite été publiées par la presse: ministres, hauts responsables militaires, journalistes ou hommes d’affaires. Thanassis Koukakis, qui enquêtait sur la corruption en Grèce au moment des écoutes, dénonce notamment la responsabilité du gouvernement dans «ce scandale politique», comme les partis d’opposition. L’ONG Reporters sans Frontières (RSF) a jugé que cette affaire constituait «un nouveau coup porté à la liberté des médias» en Grèce. Certaines des dizaines personnes ciblées par le Predator et l’Autorité de la protection du secret des communications (ADAE) ont porté l’affaire en 2023 devant le parlement européen, dénonçant «le retard pris dans l’enquête» et «l’intervention du gouvernement dans l’ADAE». «Ce scandale a révélé une violation institutionnelle vu l’intervention de l’exécutif dans les autorités indépendantes et la justice. C’est une véritable violation de l’Etat de droit», dénonce M. Koukakis. L’an dernier, les eurodéputés ont réclamé la mise en place de règles strictes pour empêcher l’utilisation de logiciels espions, en épinglant notamment la Hongrie et la Grèce. Le procureur de la Cour suprême grecque a assuré l’an dernier qu’il n’y avait pas de preuves «d’implication du service national de renseignement». L’affaire a ainsi été réduite en un seul délit. Cependant Zacharias Kesses, avocat de M. Koukakis estime qu’»il existe des preuves suffisantes prouvant au moins deux crimes graves». «Le premier est la violation des données personnelles (…) et le second, la violation des secrets de l’État», précise-t-il. Selon lui, «le dossier est extrêmement volumineux et la procédure de l’audience devrait durer longtemps. Une dizaine de personnes dont Nikos Androulakis se sont constituées partie civile dans ce procès alors que «les victimes du Predator sont beaucoup plus nombreuses», déplore Thanassis Koukakis. Mercredi l’audience a été interrompue pour reprendre le 22 octobre avec le témoignage du chef du Pasok-Kinal, selon une source judiciaire.

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