Le monde de la télévision en danger

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Jamais dans l’histoire de la télévision les contenus n’ont été aussi riches et la soif d’images pour les multi-écrans aussi grande. Mais cet «âge d’or» est menacé : les chaînes de télé manquent d’argent et les nouveaux acteurs du net, comme Netflix et Amazon, cassent tous les modèles. Au Mipcom (Marché international des programmes audiovisuels) de Cannes, les producteurs sont inquiets. Car Netflix, plate-forme de vidéo à la demande récemment primée pour sa série «House of Cards», et Amazon se sont mis à produire des oeuvres originales, en les concurrençant directement, et les diffusent en ligne, contournant les chaînes de TV. Et ces dernières, fragilisées par la crise qui réduit leurs recettes pub, veulent payer les programmes moins cher. Partout au Mipcom le constat est le même : les prix baissent. «A échéance très courte, le monde de la diffusion linéaire sera complètement bouleversé», prédit Takis Candilis, patron de Lagardère Entertainment, 1er producteur français et 11ème en Europe. «En France nous avons travaillé pendant 30 ans dans un monde régulé. Mais nous avons aujourd’hui à nos portes le monde du numérique, qui ne l’est pas. Face à ce tsunami, diffuseurs et producteurs doivent s’unir». «Le nombre de tuyaux augmente mais les prix sont bien moindres qu’auparavant. Avant, pour trouver les financements, nous avions un seul gros client, maintenant il nous en faut 3 ou 4. Les prix à l’international aussi sont sous pression», souligne M. Candilis. Même constat chez Zodiak Media, l’un des 3 premiers producteurs mondiaux. «Il y a nettement moins d’argent, les gros acheteurs paient moins», résument 2 responsables commerciaux, qui ont requis l’anonymat. «Même les chaînes de télé payantes veulent renégocier. Tout est mis sur la fiction américaine. En France aussi les prix baissent. «Vous pouvez avoir le meilleur contenu du monde, mais il est de plus en plus difficile d’en tirer de l’argent», a résumé l’expert américain des médias Jeff Ulin, lors d’une conférence au Mipcom. «L’accès permanent aux vidéos à la demande réduit la valeur des contenus. La télé payante comme la télé gratuite sont mises en danger par la génération de ceux qui coupent la corde – qui se passent des fournisseurs du câble ou de l’ADSL en injectant directement l’internet dans leur télévision connectée, avec des services de VOD comme Amazon, Hulu ou Netflix». «Quelle valeur apporte la télé payante si on trouve le même contenu en VOD ? Elle ne survivra qu’en produisant des programmes originaux. C’est d’ailleurs ce que font Amazon, Hulu et Netflix», prédit l’analyste. «La télévision gratuite aussi est en danger, car seul le contenu premium résistera». «Actuellement c’est un âge d’or pour le consommateur, mais pas pour le marché. A terme, il existera moins d’acteurs prêts à prendre des risques, donc moins de contenus de qualité. Ce sera plus difficile pour les producteurs indépendants et les créateurs», estime-t-il. Certains producteurs se positionnent sur la diffusion en ligne, comme FremantleMedia, n°1 européen, qui a racheté en septembre 25% de Divimove, un agrégateur allemand de chaînes YouTube. Idem pour l’américain Dreamworks Animation qui a acquis en mai le réseau de chaînes YouTube Awesomeness TV. De son côté, Amazon prépare une trentaine de séries, réalisées à partir de 5 000 scripts envoyés par les internautes. Ses 1ères productions sortiront en ligne cet automne, a souligné au Mipcom le directeur d’Amazon Studios, Roy Price.