Orange et Bouygues Telecom confirment discuter d’une union

©BERTRAND BECHARD / MAXPPP ILLUSTRATION TELEPHONIE MOBILE LES TROIS FOURNISSEURS FRANCAIS (ORANGE, SFR ET BOUYGUES)

C’est officiel: six mois après avoir rejeté une offre de 10 milliards d’euros du groupe Numericable-SFR appartenant au milliardaire Patrick Drahi, le groupe industriel et de construction Bouygues négocie avec le numéro un des télécoms Orange pour lui vendre sa filiale Bouygues Telecom, au 3ème rang national du secteur. Les 2 groupes ont confirmé mardi, dans 2 communiqués distincts, être en «discussions préliminaires». Bouygues a confirmé la signature d’un «accord de confidentialité ce jour» tout en précisant qu’«aucune décision n’a été prise» et que «rien ne garantit l’issue de ces discussions préliminaires». Orange a précisé que ces négociations «ne sont pas contraintes par un calendrier particulier et ne s’engagent pas sur un schéma prédéfini». L’existence de pourparlers entre Orange et Bouygues autour de l’avenir de Bouygues Telecom faisait l’objet de spéculations dans la presse depuis près d’un mois. Orange «pense depuis un moment qu’il y a une certaine logique dans une consolidation en France», avait rappelé lundi le patron d’Orange, Stéphane Richard, tout en précisant que l’opérateur ne se lancerait pas «dans une opération qui ne sera(it) pas créatrice de valeur». Pour l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, un passage de quatre à trois opérateurs pourrait en effet menacer les investissements dans le haut débit, tout en provoquant une hausse des tarifs. Du côté des syndicats, la CGT s’est inquiétée de la possibilité que «Martin Bouygues (devienne) le 2ème actionnaire (d’Orange, ndlr) derrière l’Etat», et que la «rentabilité financière» prévale sur «une vision (…) industrielle de long terme», tandis que SUD prévient que «les salariés ne doivent pas être les dindons de ce nouveau monopoly». Une possible fusion, suspendue à son acceptation par les autorités de la concurrence en France et à Bruxelles, entraînerait le passage de 4 à 3 opérateurs dans l’Hexagone, une situation qui profiterait également à Numericable-SFR et Free, dans un marché particulièrement concurrentiel.Mais en la matière, la position de la Commission européenne s’est durcie au cours des derniers mois, la Commissaire à la Concurrence Margrethe Vestager préférant une consolidation supranationale à des rapprochements entre opérateurs nationaux. Le nouvel ensemble représenterait plus de 60% de part de marché en valeur, et 54% en ce qui concerne le nombre de clients, sur le mobile, très loin devant Numericable-SFR avec 30,3% du marché, et Free, à 15,7% en nombre d’abonnés.

A l’heure actuelle, Orange concentre un peu plus de 38% des clients mobiles, alors que Bouygues s’intercale entre Numericable-SFR et Free, avec 16,2% de part de marché. «Cela ne s’est jamais produit en Europe pour l’instant, de voir le numéro 1 sur un marché national racheter le numéro 3», a rappelé Stéphane Dubreuil, consultant spécialiste des télécoms. En cas de succès des discussions, Orange, dont l’Etat est le 1er actionnaire, pourrait avoir à se séparer de 5 milliards d’euros d’actifs. Le principal concerne les infrastructures réseaux de la filiale télécoms de Bouygues, qui pourraient intéresser Free, dernier arrivé sur le marché et le moins équipé de tous. «Free a un besoin moins pressant d’un réseau déjà installé qu’il y a 6 mois, lors de l’offre d’Altice, mais récupérer une partie du réseau de Bouygues Telecom lui permettrait de gagner énormément de temps, notamment en vue de la fin de son contrat d’itinérance avec Orange», prévue pour 2017, a expliqué Sylvain Chevallier, associé chez BearingPoint. Le nouvel ensemble pourrait, en revanche, être tenté de conserver une partie des fréquences que possède Bouygues Telecom. «Chacun de leur côté, Orange et Bouygues Telecom sont bien pourvus en fréquences, par rapport à leur taille, mais les fréquences d’Orange seules ne suffiraient pas à assurer un service satisfaisant pour l’ensemble des clients en cas de rachat», a ajouté M. Chevallier.