Bolloré vs audiovisuel public: la guerre des médias s’envenime

Bolloré vs audiovisuel public: la guerre des médias s’envenime

Escalade verbale spectaculaire dans la guerre entre l’audiovisuel public et les médias de la galaxie Bolloré: la patronne de France Télévisions a pour la 1ère fois qualifié CNews d’«extrême droite» jeudi, ce qui «met une cible» sur les journalistes la chaîne info, selon sa vedette Pascal Praud. Le conflit ouvert entre ces deux blocs a explosé en début de semaine dans le sillage de l’affaire Legrand-Cohen, deux journalistes du service public accusés de connivence avec le PS. Une telle opposition est inédite dans l’histoire médiatique française. D’un côté, les médias privés dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, dont CNews (groupe Canal+) et la radio Europe 1, accusent l’audiovisuel public de partialité en faveur de la gauche. De l’autre, France TV et Radio France contre-attaquent et en appellent à l’Arcom ainsi qu’aux pouvoirs publics. «Il faut admettre que CNews est un média d’opinion. Qu’ils assument d’être une chaîne d’extrême droite!», a lancé Delphine Ernotte Cunci, présidente de FTV, dans une interview au «Monde». C’est la 1ère fois qu’une responsable de l’audiovisuel public emploie ce qualificatif au sujet de la chaîne info, leader en France en pda. La riposte n’a pas tardé. «Mme Ernotte met une cible sur nos vies», s’est indigné Pascal Praud, vedette et principale voix publique de CNews, dans son émission «L’heure des pros», également retransmise sur Europe 1. Le déclencheur des hostilités a été une vidéo diffusée début septembre par le média conservateur «L’Incorrect», source d’une vive polémique politico-médiatique. Filmée en juillet dans un restaurant parisien, la vidéo montre Thomas Legrand, chroniqueur à «Libération» et France Inter, et Patrick Cohen, qui intervient sur France Inter et sur France 5, échanger avec 2 responsables du Parti socialiste. Durant la discussion, M. Legrand déclare: «Nous, on fait ce qu’il faut pour (Rachida) Dati, Patrick (Cohen) et moi». La séquence a valu aux deux journalistes des accusations de connivence avec le PS et de parti pris à l’encontre de la ministre de la Culture sortante. L’affaire a été amplement commentée sur CNews, Europe 1 et le «JDD)» – tous dans le giron de M. Bolloré -, qui y ont vu un signe de partialité politique du service public. Bien avant cette affaire, les médias de la galaxie Bolloré ont fréquemment reproché à l’audiovisuel public de pencher à gauche, notamment dans son traitement des questions d’immigration et d’insécurité. Eux-mêmes sont accusés par des responsables politiques de gauche de promouvoir des idées d’extrême droite, ce qu’ils contestent. Jusqu’à ces derniers jours, les groupes publics n’avaient jamais directement répondu, mais ont désormais changé de stratégie. Mmes Ernotte Cunci et Sibyle Veil, patronne de Radio France, ont envoyé mercredi un courrier commun à l’Arcom pour dénoncer «une campagne de dénigrement». «A un moment, il faut dire stop», a tonné Mme Ernotte Cunci dans «Le Monde». «La galaxie médiatique de Vincent Bolloré veut la peau de l’audiovisuel public, réclame sa privatisation, et l’exprime avec violence». Pour M. Praud, cela équivaut à «une déclaration de guerre»: «Aujourd’hui dans les manifestations, il y aura des journalistes de CNews sur le terrain. (Mme Ernotte Cunci) leur met une cible sur le dos, elle les met en danger». Pour sa part, l’Arcom a entendu mercredi Mmes Ernotte Cunci et Veil sur l’affaire Legrand-Cohen, et a indiqué jeudi vouloir «approfondir ses travaux sur l’impartialité du service public». Le régulateur va lancer «un travail» pour «objectiver la portée concrète de l’exigence d’impartialité» de l’audiovisuel public. C’était une préconisation du rapport des Etats généraux de l’information, vaste consultation voulue par Emmanuel Macron en 2024. Egalement au programme, «une étude indépendante» sur la «perception» du public et «une revue des dispositifs existants» en matière d’impartialité du service public.

Selon l’Arcom, «des travaux analogues» ont été menés en Europe, «en particulier par le régulateur britannique (l’Ofcom) au sujet de la BBC».

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