A 92 ans, le cinéaste Claude Lanzmann continue inlassablement d’exhumer les trésors
amassés lors du tournage de son documentaire «Shoah», livrant avec «Les quatre soeurs» un nouvel éclairage sur l’extermination des juifs par les nazis. Malgré ses 9 heures 30, «Shoah», le documentaire monument, avait dû laisser de côté des témoignages uniques, inédits, recueillis au fil des douze années de travail qu’a demandées le projet, et éparpillés sur 350 heures de pellicule tournées entre 1976 et 1981. Il y a donc eu «Un vivant qui passe» (1999), «Sobibor» (2001), «Le rapport Karski» (2010), «Le dernier des injustes» (2013) et aujourd’hui ces «quatre soeurs», qui sera diffusé sur Arte les 23 et 30 janvier et disponible fin janvier en DVD. Pourquoi avoir attendu 35 ans pour faire un film avec leur histoire ? «Pour beaucoup de raisons. Je ne pouvais pas faire un film de 30 heures (pour «Shoah»). Cela n’avait pas de sens», a expliqué Claude Lanzmann lors d’un passage à New York. Il n’y avait pas, à l’époque, de producteur «assez fou» pour s’engager dans un projet d’une telle ampleur, ou dans une série de films comme ceux qui ont été réalisés par la suite, «et capable de donner l’argent, par dessus le marché», se souvient le metteur en scène. Malgré cette incertitude quant à l’utilisation finale de ses bandes, Claude Lanzmann a choisi, durant ces années, de filmer, inlassablement, pour documenter des témoignages qui seraient aujourd’hui inaccessibles car les témoins ont disparu. «Je m’en foutais, cela n’avait pas d’importance pour moi», dit-il. «Finalement, pour moi, faire un film, c’était assez secondaire» «et ça, je ne l’ai pas compris tout de suite.» Le réalisateur se souvient notamment d’avoir tourné durant une semaine entière, du matin au soir, avec Benjamin Murmelstein, personnage central du «Dernier des injustes». «J’étais tellement étonné, au sens fort, sidéré par ce que j’apprenais, que ce qui me paraissait important, capital, c’était d’avoir ce matériel.» «C’était une garantie contre la perte», fait-il valoir. «Et la perte, dans des cas pareils, je trouve que c’est très grave.»