F. HOUZOT (beIN SPORTS) : «Notre politique tarifaire ne se construit pas en fonction des concurrents»

À l’aube de sa 14ᵉ saison, beIN SPORTS revendique 2,5 millions d’abonnés fidèles, plus de 12 000 heures de sport en direct chaque année et un abonnement resté à 15 € par mois sans engagement (selon les distributeurs) depuis 2017. Entre stratégie tarifaire, place du multisports, bataille sur les droits premium (Ligue 1, Coupe du monde, NBA) et lutte contre le piratage, Florent Houzot, directeur des antennes, des programmes et de la rédaction, dévoile les coulisses et les ambitions de la chaîne.

Après 14 saisons, comment beIN SPORTS réussit-il à maintenir un abonnement à 15€ par mois sans engagement, malgré l’inflation et la hausse des droits sportifs?

Déjà, il faut rappeler que le prix n’a pas bougé depuis 2017. Cela tient à une stratégie d’acquisition raisonnée, des coûts maîtrisés et un business model solide, toujours pensé avec un objectif clair : la satisfaction des abonnés. Plus vous fidélisez, plus vous êtes capables ensuite de vous positionner sereinement sur des appels d’offres et de sélectionner les compétitions qui font sens. Quand vous êtes une chaîne à péage, le prix est crucial. Il détermine à la fois l’attractivité de l’offre et la capacité à recruter de nouveaux abonnés. Il doit être en adéquation avec la richesse du catalogue, la diversité des disciplines, mais aussi avec les moyens des foyers. C’est cet équilibre entre prix, abonnés et richesse éditoriale que nous avons trouvé et qui explique la solidité de beIN SPORTS. Dès notre lancement en 2012, nous avons eu une stratégie de long terme pour s’ancrer dans le marché français, très concurrentiel. Aujourd’hui, certains droits sont sécurisés jusqu’en 2030 et nous réfléchissons déjà au-delà. C’est ce qui nous permet de rester stables à 15€ par mois (offres selon distributeurs), sans céder à la tentation des hausses.

Vous revendiquez 2,5 millions d’abonnés. Comment cette base évolue-t-elle ?

Elle ne varie pas de façon exponentielle. Le vrai défi n’est pas que d’acquérir mais surtout de fidéliser notre base d’abonnés. Malgré le modèle sans engagement, une fois qu’ils sont là, nos abonnés restent. Beaucoup sont présents depuis le lancement en 2012. Bien sûr, certains événements, comme la Coupe du monde, l’Euro, la CAN ou les compétitions internationales de handball, nous permettent de recruter en masse. Mais le plus important est de les convaincre ensuite de rester grâce à la richesse de l’offre. Et, globalement, nous y parvenons.

Avec l’arrivée de Ligue 1+, répétez-vous davantage le message «15 euros par mois» pour vous positionner face à la concurrence ?

Non. Tout d’abord, il faut rappeler que ce sont les distributeurs qui fixent le prix. Dès notre lancement, avec un très beau catalogue, nous avions déjà un tarif très accessible et une offre sans engagement. Le tarif n’a pas changé depuis 2017, à 15€ par mois. Les distributeurs ajustent en fonction de leur stratégie et du contenu. La politique tarifaire de beIN ne se construit pas en fonction des concurrents. Nous suivons notre modèle, notre business plan et surtout nos abonnés. Ce sont eux qui comptent : comprendre leurs attentes, renforcer leur satisfaction et leur fidélité. Depuis 2012, cette ligne n’a jamais changé. Il est vrai que nous proposons un catalogue et une diversité de droits inégalés pour ce tarif, grâce notamment à nos trois chaînes en continu et l’ensemble de nos canaux additionnels.

Quelle place stratégique occupe le multisports dans votre modèle ?

C’est un élément majeur de notre succès. beIN SPORTS n’est pas qu’une chaîne de football. C’est une offre globale : dix disciplines, trente-quatre compétitions et plus de 12 000 heures de sport en direct par an. Le football reste le cœur de l’offre, mais le multisports nous permet d’exister 12 mois sur 12. Quand les grands championnats font relâche, il y a Wimbledon, que nous avons prolongé pour plusieurs années. En semaine, nous avons le handball, le tennis ou encore les sports US. Mais aussi les grands évènements internationaux comme l’Euro, la Coupe du monde ou la CAN. C’est cette richesse, associée au prix accessible et à la liberté du sans engagement, qui explique pourquoi nous tenons alors que d’autres acteurs n’ont pas réussi à s’installer avec des offres trop limitées ou trop segmentées.

Qu’en est-il de la Coupe du monde ?

L’appel d’offres est lancé. Comme toujours, nous étudions les dossiers, mais avec une ligne rouge claire : ne jamais mettre en péril notre modèle. beIN SPORTS existe depuis 2012, et notre objectif est de durer, pas de jouer la surenchère. Nous avons toujours diffusé les Coupes du monde et les Euros en intégralité. Pour rappel, l’Euro 2024 a été signé… cinq jours avant son lancement ! Mais nous étions prêts à couvrir l’événement de bout en bout. En parallèle, nous avions déjà sécurisé l’Euro 2028. Voilà notre méthode : de la réactivité, du sérieux, de la vision à long terme.

Un droit historique de beIN manque encore à l’appel : la NBA. Où en êtes-vous ?

C’est vrai, et c’est un droit premium pour nous. La NBA est diffusée en continu sur beIN depuis 2012, sans interruption. Nous avons de très bonnes relations avec la ligue, les discussions continuent, et je suis confiant. Oui, Amazon a acquis une petite partie des droits, mais il reste un volume considérable à pourvoir. Je comprends que vous aimeriez une annonce aujourd’hui, mais la saison débute dans plus d’un mois. Cela nous laisse du temps. Ce qui est certain, c’est que la NBA connaît l’attachement de beIN, et ce que nous avons construit ensemble depuis plus de dix ans, avec NBA Extra notamment, qui reste une marque forte.

En parallèle, où en est le combat contre le piratage ?

C’est un enjeu majeur. beIN a été à l’initiative, en 2018, de la création de l’Association pour la Protection des Programmes Sportifs (APPS). C’est un combat vital, car le piratage fait baisser la valeur des droits. Si une compétition peut être consommée gratuitement en streaming illégal, alors l’exclusivité que vous payez perd de sa valeur. Depuis, des lois ont été votées, des injonctions permettent de fermer des sites plus rapidement, et la LFP est plus mobilisée que jamais, notamment avec l’arrivée de Ligue 1+. Tant mieux, car ce fléau se combat collectivement. Chez beIN, nous avons même un département dédié, avec des équipes anti-piracy mobilisées en permanence. L’enjeu, c’est la réactivité : couper un flux illégal pendant un match en direct, pas trois jours après. Cela demande de l’expertise, mais c’est essentiel pour protéger notre modèle, celui des compétitions et l’écosystème du sport.