Depuis 15 ans, Internet a, plus que dans tout autre secteur, fragmenté les usages et les modèles économiques de la musique. Pour nous dresser un compte rendu de la situation, média+ s’est entretenu avec Guillaume LEBLANC, DG du Syndicat National de l’Édition Phonographique (SNEP).
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En 2014, le marché de la musique enregistrée a fléchi de 5,3%, sous l’effet de la baisse des ventes physiques (-11,5%) et du téléchargement à l’acte (-14%). Le streaming s’affirme-t-il dorénavant comme le nouveau relai de croissance?
Guillaume LEBLANC
Absolument ! Un nouveau rapport à la musique est en train de s’affirmer. Les revenus du streaming ont fortement augmenté en France en 2014 (+34%). Le streaming musical représente 16% du marché. Il génère plus de revenus que les ventes de téléchargement à l’acte (sur iTunes principalement). Cela se traduit par un basculement des usages. Avec le streaming, on ne paye plus pour posséder une chanson mais pour avoir accès à un catalogue. Plus de 2 millions de personnes en France sont abonnées à un service de streaming. On parle de 12 milliards de titres «streamés» (+40% en 1 an). En matière de rémunération, les volumes générés par le streaming permettront de compenser et d’apporter une réponse aux interrogations de certains artistes. Le marché numérique de la musique progresse de +6% pour atteindre 29% du secteur. Pour autant, il n’est pas encore assez musclé pour compenser la baisse des ventes physiques qui représente 71% du marché. Au Etats-Unis, le marché musical en est déjà à 2/3 numérique et 1/3 physique.
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Dans un marché en recul, les producteurs ont-il continué à investir ?
Guillaume LEBLANC
Oui, et c’est bien la preuve qu’il y a un retour sur investissement. Le Top 10 des Albums de l’année 2014 est à 100% francophone. Les 3 majors (Sony Music Entertainment, Universal Music France et Warner Music France) ont commercialisé en 2014, 242 albums francophones (+17% par rapport à 2013), le plus haut niveau depuis 2008. Les investissements marketing pour les artistes francophones s’élèvent à 44M€ (+9%) soit les 2/3 des investissements marketing. Parmi ces 44M€, 30% sont consacrés aux nouveaux talents.
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Comment analysez-vous le nouveau rapport entre radio et musique?
Guillaume LEBLANC
On déplore la concentration de titres en radio. C’est un vrai problème. Il est essentiel pour la filière musicale d’avoir des stations qui jouent le jeu de la diversité musicale. Sur les 4 réseaux jeunes : NRJ, Fun Radio, Skyrock et Virgin Radio, 75% des diffusions sont faites par 10 titres. Au cours de ces dernières années, la place des productions francophones en radio n’a cessé de baisser pour aboutir à un inquiétant déficit d’artistes francophones en radio.
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Et sur la présence de la musique à la TV aux heures de grandes écoutes ?
Guillaume LEBLANC
Il y a un effort qui a clairement été accompli sur le service public, notamment sur France 2 avec «Alcaline». Pour le reste, les chaînes musicales W9 et D17, qui doivent avoir plus de 50% de musique dans leur programmation, sont celles qui diffusent le moins de musique en Prime.