Nombreux sont les artistes israéliens à vouloir quitter leur pays en raison de la guerre à Gaza, estime le scénariste à la renommée internationale Hagai Levi, qui craint qu’un boycott culturel de son pays n’affaiblisse encore plus les voix critiques du gouvernement. L’auteur de séries à succès comme «Scènes de la vie conjugale» ou «En thérapie» est un critique virulent du blocus de Gaza, où plus de 60.000 personnes sont mortes depuis le début de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Mais il regrette la multiplication des appels au boycott d’Israël, qui risquent selon lui d’étouffer les voix critiques du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a d’ailleurs plusieurs fois éreinté son travail de scénariste. «Tout le monde autour de moi parle de la possibilité de quitter» Israël, a déclaré le scénariste de 62 ans début septembre au festival de Venise, où il présentait sa dernière série, «Etty». «Mais c’est tellement difficile de partir… les gens s’interrogent : «Comment vais-je trouver du travail ? Vais-je me faire des amis ? Vais-je trouver une famille ?», a-t-il dit, ajoutant s’attendre à ce que «beaucoup» émigrent dans les années à venir. Levi conserve une maison près de sa famille à Tel-Aviv mais passe la plupart de son temps en Europe ou à Hollywood pour le travail. Selon lui, les figures du divertissement pro-gouvernement s’exposent à la colère et l’incompréhension: «Vous ne pouvez pas faire partie de ce qui se passe, en étant un soutien conscient et actif, et penser qu’il n’y aura pas de conséquences. Cela n’a aucun sens». Toutefois, «il faut faire la distinction… Je dirais que 90% des gens dans la communauté artistique en Israël, que ce soit le cinéma, les arts plastiques ou la musique, se battent (contre la politique de leur gouvernement, ndlr), ils sont dans les rues, et ils souffrent car il n’y a pas de budgets, moins de liberté d’expression», a-t-il soutenu. «Les boycotter, c’est en fait les affaiblir», a-t-il insisté. Les mouvements pro-boycott s’inspirent de l’isolement de l’Afrique du Sud de l’apartheid dans les années 1960, où de nombreux artistes avaient refusé de se produire pour protester contre les lois racistes du pays. La dernière série de Levi, «Etty», raconte l’histoire d’Etty Hillesum, une Néerlandaise juive de 27 ans qui a laissé de nombreux écrits détaillant la vie quotidienne à Amsterdam au début des années 1940, en pleine occupation nazie. Hagai Levi a voulu éviter de raconter la Shoah de manière conventionnelle : «On ne peut plus faire ça de la même manière. Ca a déjà été fait». Il cite en exemple le film oscarisé de Jonathan Glazer «La zone d’intérêt», qui raconte la Shoah autrement, à travers le quotidien d’une famille nazie à la lisière d’Auschwitz. «Etty» est tournée dans l’Amsterdam d’aujourd’hui. Les soldats nazis portent des uniformes des années 1940, mais les autres personnages sont vêtus à la mode actuelle et les tramways et voitures sont modernes.
«Je voulais que ce soit moderne, mais pas contemporain», a déclaré Levi, qui a exclu les téléphones portables et les ordinateurs. L’objectif est de troubler les spectateurs, les amenant à se demander à quoi pourrait ressembler la persécution aujourd’hui. «Etty», créée pour la chaîne télévisée franco-allemande Arte, explore le processus de «déshumanisation» des autres pour justifier la violence à leur encontre – un aspect qu’on retrouve dans le conflit en cours à Gaza, selon Hagai Levi. «Ce que j’essaie de dire, c’est que lorsque la vie perd toute valeur parce que vous tuez tellement de monde, alors la valeur de la vie de vos propres citoyens devient insignifiante», insiste Hagai Levi.



































