Douze ans de préparation et plusieurs milliards d’euros pour grappiller quelques précieuses heures dans la prévision des phénomènes météorologiques violents: l’Europe s’apprête à lancer le 1er de ses satellites météo de nouvelle génération. Empaqueté d’un film isolant noir émaillé de surfaces miroitées pour renvoyer la chaleur du soleil, la bête de 3,8 tonnes trône dans la salle blanche de Thales Alenia Space à Cannes, dans le sud-est de la France, avant de prendre le bateau pour Kourou, en Guyane, d’où il doit être lancé d’ici à la fin de l’année. Une fois en orbite à 36.000 kilomètres d’altitude, MTG-I1, pour Meteosat 3ème génération-imageur, effectuera un scan de la planète toutes les 10’ avec une précision allant jusqu’à 500 mètres, moitié moins que la précédente génération lancée à partir du début des années 2000. Il doit être suivi d’ici à 2025 d’un jumeau (MTG-I2), qui lui se concentrera sur l’Europe à raison d’un scan toutes les deux minutes trente, et d’un satellite muni d’une sonde (MTG-S) qui analysera la composition de l’atmosphère sur toute sa hauteur.Trois autres satellites semblables, déjà en cours de construction, doivent leur succéder à la fin de leur durée de vie, d’au moins huit ans et demi. Au total, ce programme lancé en 2010 représente un budget de 4,3 milliards d’euros, répartis entre l’Agence spatiale européenne (ESA) et Eumetsat, l’organisme chargé d’exploiter ces satellites pendant 20 ans. Un investissement massif justifié par le fait qu’aucun bulletin météo n’est aujourd’hui possible sans ces sentinelles de l’espace. «Plus de 95% des 40 millions d’observations faites chaque jour pour les prévisions météo proviennent des satellites», rappelle Simonetta Cheli, directrice des programmes d’observation de la Terre à l’Agence spatiale européenne. Et «avec la croissance exponentielle des événements météo extrêmes», rappelle-t-elle, les images doivent être de plus en plus précises et fréquentes. L’enjeu: détecter l’évolution rapide des phénomènes convectifs, ces mouvements de l’atmosphère à l’origine des orages et tempêtes. Les orages accompagnés de rafales à plus de 200 km/h qui ont frappé l’île française de Corse le 18 août, faisant 5 morts, proviennent d’une accumulation rapide de vapeur d’eau dans l’atmosphère sur une surface très localisée, et «ce type de changement local pourra être détecté très rapidement par MTG», explique Donny Aminou, responsable de la charge utile des satellites pour l’ESA. «Nous avons beaucoup d’attentes sur le suivi du développement des nuages convectifs, on espère gagner quelques heures de préavis», cruciales pour alerter les populations, souligne Hervé Roquet, directeur adjoint de la recherche à Météo France. Le satellite embarque un autre instrument précieux aux yeux des météorologues: un détecteur d’éclairs, une 1ère en Europe. Doté de 4 caméras, il peut «distinguer l’équivalent d’un clin d’oeil à 10 kilomètres» de jour comme de nuit, selon Carlo Simoncelli, responsable du programme chez l’italien Leonardo. Une partie des éclairs est actuellement repérée par les systèmes terrestres mais ceux qui zèbrent les nuages sans toucher le sol (et sont bien plus nombreux) ne l’étaient pas. Or ceux-ci peuvent être des précurseurs d’orages dévastateurs, selon M. Roquet, qui note également une avancée pour la sécurité aérienne. Les capteurs de MTG permettront également de mieux détecter les feux de forêt et les particules dans l’atmosphère. La fermeture du trafic aérien telle que celle survenue sur une large région en raison des cendres disséminées par l’éruption d’un volcan islandais en 2010 pourraient ainsi être évitée dorénavant, selon ses concepteurs. «Maintenant, les météorologues n’ont plus qu’à digérer les données», s’amuse Pierre Armand, responsable du programme pour Thales Alenia Space, le maître d’oeuvre industriel. Le volume de données envoyé vers la Terre s’annonce colossal: 110 megabits par seconde (Mbps) chaque jour, 50 fois plus que la précédente génération.


































