Six ans qu’ils bataillent sur internet contre les défaillances des pouvoirs publics roumains. Depuis l’invasion russe, de jeunes informaticiens ont mis leur expertise technologique au service des réfugiés ukrainiens. «Dopomoha»: ce mot ukrainien signifiant «aide» a donné son nom à une plateforme devenue un outil indispensable pour les dizaines de milliers de personnes ayant afflué du pays voisin dévasté par les bombardements. «Tout le monde devrait apprendre ce mot», lance Bogdan Ivanel, 34 ans, rencontré dans les locaux de son organisation à Bucarest. Ce spécialiste du droit international a fondé Code4Romania (Code pour la Roumanie) en 2016 avec 3 amis, vivant comme lui aux Pays-Bas mais désireux de faire bouger les choses dans leur pays. «Tu aimes la Roumanie. Ou non. Tu as émigré. Ou tu es resté. Quoiqu’il en soit, viens à nos côtés (…) pour qu’on résolve ensemble les problèmes de la société»: forte de ce message, l’organisation, symbole d’une Roumanie souvent décrite comme la «Silicon Valley» d’Europe de l’Est, a attiré plus de 2.000 volontaires. Leur mission: créer des sites internet ou des applis destinés à pallier les lacunes de l’Etat. Alors, le 24 février, quand la guerre a éclaté en Ukraine, M. Ivanel n’a pas hésité une seconde. «Quelque 500 volontaires et les quinze membres de notre équipe, disséminés à travers le monde, ont travaillé d’arrache-pied pendant deux jours» pour mettre sur pied www.dopomoha.ro, précise M. Ivanel. A ce jour, près d’un million de personnes ont consulté la plateforme, qui fournit des réponses en 4 langues (ukrainien, russe, anglais et roumain). On y trouve une mine d’informations, de contacts, de logements et même un chapitre consacré aux risques du trafic d’êtres humains, alors que les femmes et les enfants forment l’écrasante majorité des réfugiés. «99,99% des personnes qui veulent aider sont de bonne foi, mais lorsqu’on monte dans la voiture d’un inconnu, il est important de pouvoir reconnaître les signes indiquant qu’on a affaire à un possible trafiquant», souligne Gabriela Leu, porte-parole à Bucarest du Haut Commissariat pour les Réfugiés. Code4Romania ne se contente pas de donner des conseils et «vérifie toutes les offres de transport et d’hébergement», souligne-t-elle, se félicitant de la «fiabilité» de cette plateforme. L’instance onusienne est partenaire du projet, tout comme le gouvernement roumain. Les yeux rivés sur son écran d’ordinateur, Olivia Vereha, 34 ans, s’assure que le système fonctionne sans accrocs. «La pression est énorme car les choses peuvent changer d’une heure à l’autre», notamment quand le flot de réfugiés augmente brusquement, explique-t-elle. A la veille de l’agression russe, l’informaticienne et ses collègues s’apprêtaient à lancer une plateforme destinée à gérer les cas de violence conjugale. Le projet a été mis sur pause mais pas abandonné. Code4Romania a vu le jour après le terrible incendie d’une discothèque qui a fait 64 morts en octobre 2015 et suscité une vague de colère contre la corruption, sur fond de défaillances en série des administrations. Ce qui devait être une «activité de weekend» s’est rapidement transformé en un travail à temps plein. Parmi les multiples initiatives de l’organisation, «la numérisation de la Roumanie en raison de l’incapacité de l’Etat à mener à bien cette opération», dit le trentenaire, dans un pays où l’on exige partout des documents sur papier, dûment signés et tamponnés. Mais c’est avec la pandémie de Covid-19 que Code4Romania s’est vraiment fait connaître: le site créé pour le compte du gouvernement a été vu par 14 millions de personnes, sur une population totale de 19 millions. Quand la crise sanitaire a éclaté, «on planchait sur un système pour aider en cas de séisme» dans ce pays parmi les plus exposés en Europe. «Après la pandémie et cette guerre à nos portes, nous sommes mieux préparés», souffle M. Ivanel.
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