Les Iraniens tentent tant bien que mal de s’adapter à un quotidien sans internet depuis plus d’une semaine, après la coupure quasi-totale du réseau imposée par Téhéran dans le contexte de manifestations violentes. Des troubles ont éclaté le 15 novembre, quelques heures après l’annonce d’une réforme du mode de subvention de l’essence, censée bénéficier aux ménages les moins favorisés mais s’accompagnant d’une très forte hausse du prix à la pompe, dans un contexte de profonde crise économique.
Le lendemain, les Iraniens ont été coupés du monde après une restriction drastique de l’accès à internet, vue comme un moyen d’empêcher le partage des vidéos des troubles, qui ont fait 5 morts selon un bilan officiel, plus de cent selon l’ONG Amnesty International. Selon le général Abnoosh, un des responsables du Bassidj, mouvement paramilitaire de volontaires islamiques, la coupure d’internet a aidé à «perturber» les plans des ennemis de l’Iran. Samedi, 1er jour de la semaine dans le pays et 7 jours après le début du black-out, les habitants de la capitale s’escriment à trouver des solutions aux difficultés provoquées par la coupure. «Nous n’avons pas d’autre choix», dit une femme âgée de la trentaine. «Ce que j’aurais pu faire sur internet, je dois désormais le faire par téléphone ou par d’autres moyens», dit-elle. D’autres disent avoir des difficultés à joindre leurs proches qui vivent hors du pays. «J’ai essayé d’appeler mes enfants, en vain», déplore Taheri, âgé de 70 ans. «Ils étaient inquiets et ont dû aller acheter une carte téléphonique pour nous joindre. Ce n’est pas juste». Mais pour beaucoup d’Iraniens, l’impact de la coupure dépasse les simples complications sociales: il peut signifier la faillite. L’Iran dispose d’une économie en ligne florissante, avec ses équivalents nationaux aux applications en ligne comme Airbnb, Amazon et Uber. Ces dernières sont sorties globalement indemnes de la coupure, car l’accès aux applications en ligne nationales perdure. Il en va autrement pour les petites entreprises comme les agences de voyage qui dépendent des réseaux sociaux pour communiquer avec leurs clients. «Les agences de voyage font face à un problème grave et chacune se démène avec des difficultés diverses», affirme Hormotollah Rafiei, directeur de l’association des agents de voyage. «La vente de billets d’avion à l’étranger et la réservation d’hôtels hors du pays ont été nulles et certaines agences de voyage ont dû fermer à cause de pertes financières», a-t-il déclaré à l’agence de presse Ilna. Après avoir chuté à 4% lors du pic de la coupure mardi, selon l’ONG NetBlocks, qui surveille la liberté d’accès à internet dans le monde, le taux d’accès à internet est revenu à 22% samedi. Les Etats-Unis ont imposé vendredi des sanctions au ministre iranien des Télécommunications Mohammad Javad Azari Jahromi pour «son rôle dans la vaste censure d’internet» en Iran. Ce dernier a réagi en affirmant n’être qu’une victime iranienne parmi d’autres des sanctions américaines rétablies après le retrait de Washington en 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien. «Je ne suis pas le seul membre du club des personnes sanctionnées», a-t-il écrit sur son compte Twitter. «Avant moi, des entreprises iraniennes de télécommunication, des développeurs, des patients malades de cancer et des enfants atteints d’EBJ sont passés par là», a-t-il ajouté, en référence à l’épidermolyse bulleuse jonctionnelle (EBJ). L’Iran affirme que les sanctions américaines ont réduit l’accès aux médicaments pour l’EBJ, une maladie grave de la peau qui touche les enfants, provoquant plusieurs décès. Les autorités ont affirmé qu’internet sera totalement rétabli quand elles seront sûres que son usage n’entraînera pas d’abus.