Tracer les joueurs et le ballon en temps réel: cette révolution technologique de l’analyse de données offre une nouvelle arme tactique appréciée de la génération des jeunes «coaches laptops» («entraîneurs ordinateurs») comme Julian Nagelsmann, qui s’installera cet été sur le banc du Bayern Munich. La start-up allemande Kinexon, qui a développé un outil qu’elle présente comme révolutionnaire, est devenue le 5 mai le fournisseur préférentiel de la Fédération internationale de foot (Fifa). «Pour les entraîneurs comme moi de la génération «coaches laptop», les données sont un sujet très important et le seront de plus en plus», explique Nagelsmann, technicien prodige, qui, à 33 ans, va prendre en main le géant bavarois. S’exprimant en visioconférence, lors de l’officialisation du partenariat Kinexon-Fifa, installé devant un tableau blanc effaçable géant avec des pions aimantés, l’entraîneur se félicite de pouvoir «contrôler les données physiques» de ses joueurs grâce aux outils numériques. Mais «dans le futur ce sera plus important de contrôler la tactique, le plus intéressant pour un jeune manager comme moi». «Avec la possibilité de tracer le ballon, nous pouvons apprendre des moments où nous le perdons comme des moments où nous le récupérons», développe-t-il. Comment ça marche? Sur un écran d’ordinateur, le match en vue aérienne est reproduit avec des points de couleur pour les joueurs, et une multitude de données sont transmises immédiatement: la distance de passe, l’orientation et la vitesse des passes etc. Par exemple, un trait relie les 4 défenseurs et calcule leur distance les uns par rapport aux autres, pour mesurer l’efficacité du bloc. La 1ère innovation importante réside dans le suivi du ballon Kinexon, appelé iBall, grâce à une puce insérée à l’intérieur. Pour les joueurs, elle est cousue dans le dos, en haut du maillot, en-dessous de la nuque. La 2de innovation vient du traitement en temps réel des données. «La clef, c’est le live», explique Maximilian Schmidt, co-fondateur de Kinexon. Collecter des données, «toutes les équipes professionnelles le font depuis 20 ans», poursuit-il. «Mais cela se faisait dans un laboratoire. Notre technologie à nous, et à d’autres acteurs du marché, est d’amener le logiciel sur le terrain». En Bundesliga, Hoffenheim utilise ce système depuis plusieurs saisons. «C’est vraiment fantastique comme outil», assure Sascha Härtel, le scientifique chargé de la performance au club allemand. «Avoir les données «live» vous donne une idée de comment doit travailler un joueur à l’entraînement. Et en match, (cela) nous donne immédiatement la possibilité de réagir», poursuit-il. Cette technologie «nous donne une meilleure idée de ce jeu compliqué qu’est le foot», insiste Härtel. Certains sont emballés, comme la défenseure Dominique Janssen, championne d’Europe 2017 avec les Pays-Bas. La joueuse de Wolfsburg, en Allemagne, apprécie aussi les données individualisées, «on peut mesurer la fatigue, prévenir les blessures», ajoute-t-elle. Janssen y voit «beaucoup de positif, mais le foot reste du foot, on ne peut pas remplacer la communication humaine par les données». «Bien sûr, le système ne remplace pas le facteur humain, il apporte des informations», abonde le responsable du secteur Recherche de la Fifa, Nicolas Evans. «Les données ne gagneront pas le match». Pour l’heure cette technologie concerne les clubs, pros et amateurs, «le prix oscille entre 25.000 et 75.000 euros par équipe et par saison en fonction de l’étendue des services proposés, le nombre d’équipe monitorées, le traçage des joueurs ou du ballon en plus, etc.», précise M. Schmidt. Mais à terme elle devrait toucher tous les acteurs. Les diffuseurs commencent à l’utiliser, et «les fans pourront y trouver plus de contenus, sur leur club, leur joueur favori ou même leur équipe de «fantasy football». Le foot sera de plus en plus numérique», prédit Maximilian Schmidt.

































