La programmation web comme espoir de mieux se réinsérer pour les détenus de Melun

La programmation web comme espoir de mieux se réinsérer pour les détenus de Melun

Sur les écrans d’ordinateur, une succession de lignes de codes informatiques, qui leur permettra peut-être de mieux se réinsérer. A mille lieues de l’habituel et rébarbatif travail en prison, des détenus de Melun sont formés, puis embauchés sur place comme développeurs web. Un silence studieux règne dans la petite salle de classe. Quatre détenus sont plongés dans leurs feuilles d’exercices et tentent d’appliquer les consignes sur l’écran. «C’est compliqué», souffle Hamza, 35 ans. Ici ou dans d’autres prisons, son voisin Djamel, 34 ans, a souvent travaillé. Au «service général» surtout – il a fait agent de nettoyage, ramassé les poubelles, distribué les repas – ou en atelier pour «assembler des pièces». Mais il ne  connaissait «pas du tout» le métier de développeur et a découvert ici les subtilités de la programmation et des langages HTLM, CSS et Javascript. Ce «plus» sur son CV, dans un domaine où «il y a beaucoup de demandes», qui lui permettra de trouver un emploi rapidement à la sortie, espère-t-il. Les détenus qui travaillent sont «mieux réinsérables», répète le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, dont le projet de loi, débattu à partir de mardi à l’AN, consacre un volet au travail en détention. Une fois leur formation de six mois terminée, Djamel, Hamza et leurs 4 autres camarades de promotion pourront être embauchés – dans la pièce d’à côté – dans l’agence web CodePhenix où les détenus de la promotion précédente travaillent désormais tous les matins, du lundi au vendredi. Un oeil sur la maquette fournie par le client, Gilles, 53 ans, construit pas à pas son site internet. «Il faut aussi penser à la version mobile», précise-t-il. En cas de doute, pas question d’interroger les sites connus des développeurs – l’accès à internet est interdit – alors Gilles fouille la base de données concoctée par les formateurs de CodePhenix. Ce projet inédit en France a été lancé il y a deux ans pour «remplacer le cercle vicieux de la récidive par un cercle vertueux axé sur la réinsertion», par les métiers du numérique. Ils étaient inexistants en prison, où la majorité des détenus qui travaillent effectuent des tâches manuelles, répétitives, non qualifiantes et payées entre 25 et 45% du Smic (y compris à l’agence Web).Les clients sont pour l’instant surtout des associations, explique Brieuc Le Bars, directeur et formateur de CodePhenix, qui n’emploie que des détenus. Jusqu’à cet été au moins, «le carnet de commandes est plein». «On leur permet de se faire un portfolio pour la sortie, on leur fait rencontrer un maximum de développeurs pour démystifier le métier et leur faire prendre confiance en soi», dit aussi M. Le Bars, qui prend le «pari» que ses recrues pourront continuer leur nouveau métier dehors. Mais le centre de détention de Melun, spécialisé en longues peines, reste une exception dans le paysage pénitentiaire français. Ici, 65% des près de 300 détenus travaillent, alors que la moyenne nationale tourne autour de 30% (contre 50% au début des années 2000), indique Benjamin Guichard, chef du service d’accompagnement vers l’emploi à l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP). Le projet de loi du ministre prévoit un contrat de travail pour le détenu, et des droits sociaux. «Le travail pénitentiaire est encore beaucoup vu comme une occupation, l’objectif c’est que ce soit un véritable outil d’insertion professionnelle», explique M. Guichard. Ça «structure», «équilibre», «apaise» la détention, complète le directeur de la prison de Melun, Patrick Hoarau. Son établissement abrite aussi une métallerie et une imprimerie – la seule en détention.Une centaine de détenus y travaillent, pour des entreprises privées et pour les ministères de la Justice et de l’Intérieur. 

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