Les constructeurs comme Porsche, Ford ou Mazda, investissent de plus en plus les jeux de course automobile, essayant de marquer les joueurs le plus tôt possible avec des voitures qu’ils ne conduiront peut-être que dans leur version virtuelle. Les 400 voitures de «Gran Turismo», une référence du genre dont le 7e volet sort vendredi sur Playstation, empruntent au catalogue de la plupart des constructeurs de la planète, de Ferrari à Toyota en passant par Mini, Peugeot ou Tesla, entre voitures historiques et concepts futuristes. «Il y a eu un changement de paradigme. Dans les années 1990, il fallait de longues négociations avec les marques avant qu’elles ne donnent le droit d’utiliser leurs voitures», témoigne Hendrik Menz, responsable des marques au sein d’Anzu, une agence israélienne qui place de la publicité dans les jeux vidéo. Dans une industrie qui génère désormais plus d’argent que le cinéma et la musique, «les marques paient des sommes allant jusqu’à 7 ou 8 chiffres pour être dans certains jeux. Cela donne une visibilité formidable! Et si vos concurrents y sont, vous ne pouvez pas ne pas ne pas y être», souligne M.Menz. «Nous collaborons avec les constructeurs jusqu’à cinq ans avant la sortie du jeu, en fonction des véhicules qu’ils vont lancer. Ils nous transmettent énormément de données», explique le créateur de «Gran Turismo», Kazunori Yamauchi. Michelin y a aussi placé ses pneus. Du côté de «Grid Legends», un concurrent plus grand public de Gran Turismo, «on a une liste de voitures idéales, mais elles ont des coûts différents», explique Steven Brand, directeur créatif associé d’Electronic Arts, l’éditeur du jeu. Si des marques comme Ariel ou Tushek ont payé pour être dans le jeu, Tesla était trop chère. «Notre équipe chargée des partenariats discute très en amont avec les constructeurs, qui participent ou non en fonction du concept du jeu», explique M. Brand. «Elles exigent parfois une livrée particulière, d’autres souhaitent que leurs modèles soient moins destructibles dans les accidents». Selon les marques, l’enjeu peut être à court et à long terme: les joueurs de jeu vidéo, dont l’âge moyen dépasse la trentaine, peuvent être des acheteurs potentiels. Les marques entretiennent aussi leur image en faisant jouer les plus jeunes, avec leurs modèles traditionnels ou exclusifs. Le tout pour des investissements bien inférieurs à l’entretien d’une équipe de rallye ou de Formule 1. Ford a établi de son côté une relation privilégiée avec le concurrent de «Gran Turismo» sur XBox, la série «Forza». «On est plus là pour engager la marque auprès d’un public plus jeune que notre clientèle traditionnelle», témoigne le responsable de ces opérations pour l’Europe, Emmanuel Lubrani. La marque a créé sa propre équipe de pilotage virtuel, FordZilla, ainsi qu’un concept-car basé sur les desiderata des joueurs, la «P1». Porsche, qui se refusait à «Gran Turismo» au profit de son concurrent «Need For Speed», a établi en 2017 un partenariat avec l’éditeur japonais du jeu: après Honda, Alpine ou Jaguar, la marque allemande a développé fin 2021 un bolide virtuel qui fait la couverture de «Gran Turismo 7». Les marques dépassent aussi de plus en plus les frontières des jeux de simulation classiques. En 2021, une Tesla est apparue dans le jeu en ligne «PlayerUnknown’s Battlegrounds» («PUBG»), suivie par les marques de supercars Koenigsegg et Rimac. Le jeu concurrent de «PUBG», «Fortnite», a aussi accueilli une Ferrari parmi ses voitures imaginaires. «C’était tout à fait naturel pour les marques auto de commencer par les jeux de course», analyse Hendrik Menz de Anzu. «Mais si vous voulez toucher les plus jeunes (soit les moins de 13 ans, NDLR), il faut aller dans les jeux de tir». La plateforme de jeu Roblox, adorée des enfants, a également permis à Hyundai de promouvoir ses voitures électriques et à hydrogène, qui arrivent doucement dans les jeux alors que l’on annonce la fin des moteurs thermiques.


































