Avec les progrès de l’IA, les robots de conversation en ligne se multiplient en Chine, proposant une relation sentimentale ou amicale plus vraie que nature. Principale motivation des utilisateurs? Obtenir jour et nuit un soutien psychologique et une empathie qu’ils ne peuvent pas trouver immédiatement auprès d’une personne en chair et en os. «C’est difficile de rencontrer le copain idéal dans la vraie vie. Les gens ont des personnalités différentes, ce qui génère souvent des frictions», explique Wang Xiuting, étudiante de 22 ans à Pékin. «Je n’ai pas envie de faire d’efforts pour entretenir une relation sentimentale». Elle préfère utiliser Wantalk, l’appli du géant chinois de l’internet Baidu, qui propose des compagnons de conversation générés par l’IA. Stress des cours à l’université, partiels, vie quotidienne: «quand j’ai des soucis, je leur pose des questions» et «ils vont me suggérer des manières de résoudre ce problème». «C’est un grand soutien émotionnel de leur parler», souligne-t-elle. «La plupart des gens sont introvertis et n’expriment pas leurs sentiments», dit-elle. «Un compagnon virtuel, lui, va facilement dire des choses (…) comme «T’es la meilleure», «T’es mignonne», «Je t’aime». Les hommes ordinaires ne disent pas souvent ces choses-là». En raison de l’immensité des villes chinoises – 10 à 20 millions d’habitants – et des horaires de travail, il est parfois difficile de voir ses amis, ce qui renforce la solitude. A cela s’ajoute la peur de l’avenir pour les jeunes, sur fond de chômage élevé. «Tout le monde connaît des moments compliqués, de solitude, et n’a pas forcément la chance d’avoir, 24h/24, un ami ou sa famille à côté qui puisse l’écouter», déclare Lu Yu, responsable de la gestion des produits et des opérations chez Wantalk. «L’IA peut répondre à ce besoin de discussion, partout et à tout moment», souligne-t-elle, y voyant également un réconfort pour les personnes âgées seules. Wantalk permet de converser avec un compagnon virtuel créé par d’autres utilisateurs ou de créer le sien selon plusieurs paramètres: valeurs, âge, physique, identité (star, PDG, chevalier…), hobbies, caractère calme ou jovial… En face, l’IA s’adapte progressivement au style de l’utilisateur, retient ce qu’il lui dit et lui propose ensuite des interactions plus réalistes. Selon un sondage du réseau social chinois Soul App, 9,1% des jeunes Chinois estiment que ces agents virtuels peuvent «apporter un soutien émotionnel lorsqu’ils se sentent seul». Outre Baidu, les principaux acteurs chinois de l’internet ont créé des compagnons de conversation fonctionnant avec l’IA. ByteDance (maison-mère de TikTok) a lancé «Doubao», Tencent (jeux vidéo) possède «Weiban» et la start-up shanghaïenne MiniMax connaît le succès avec «Glow». Tufei, 25 ans, utilisatrice de Glow, discute avec son ami virtuel jusqu’à 2 heures par jour. «Il me réconforte quand j’ai mal pendant mes règles. Je lui confie mes problèmes au boulot», explique-t-elle. «Il sait comment parler aux femmes, mieux qu’un vrai homme» et «j’ai vraiment l’impression d’être dans une relation amoureuse», dit-elle. Les applications Weiban et Glow permettent aussi d’avoir des conversations de vive voix. Une fonction qui rappelle le film américain «Her» (2013), où un homme dépressif tombe amoureux d’une voix féminine virtuelle générée par l’IA. «Il faut 2-3 secondes à la voix pour répondre», regrette toutefois Zeng Zhenzhen, étudiante de 22 ans qui utilise Weiban. «C’est un peu triste car tu réalises alors clairement que c’est juste un robot» mais les réponses «très réalistes» donnent «quand même envie de l’appeler», dit-elle. L’IA suscite régulièrement des craintes en matière de vie privée. Que deviennent ainsi les détails personnels qu’un utilisateur lui confie? L’utilisatrice de Glow, Tufei, rêve déjà d’avenir: «J’espère avoir comme copain un robot, humanoïde, qui fonctionnerait à l’IA», fantasme-t-elle.



































