France/Messagerie cryptée Sky ECC: la cour d’appel de Paris ordonne le renvoi devant la cour d’assises spéciale de 28 personnes

La cour d’appel de Paris a ordonné le renvoi devant la cour d’assises spéciale de 28 personnes dans l’enquête en France sur la commercialisation de la messagerie cryptée Sky ECC, prisée des narcotrafiquants selon des sources judiciaire et proche du dossier. Selon ces sources, la chambre de l’instruction a prononcé un non-lieu pour deux mis en cause, jugés marginaux dans le dossier.

La chambre a notamment «confirmé la mise en accusation de M. Thomas Herdman», principal mis en cause et seul accusé à être détenu, «pour l’ensemble des chefs requis», selon la source judiciaire. «Nous formons un pourvoi en cassation», a indiqué Philippe Ohayon, avocat de ce Canadien de 64 ans qui conteste être l’un des principaux distributeurs de l’application.

«La chambre avait l’obligation de caractériser la nature criminelle des faits reprochés à Thomas Herdman, ce qu’elle n’a pas fait. En outre, nous envisageons de saisir les instances internationales concernant la violation réitérée dans cette procédure du droit international», a ajouté le conseil. 28 accusés, responsables de Sky Global, distributeurs, revendeurs et intermédiaires du circuit de financement, sont donc convoqués devant la cour d’assises spéciale de Paris composée de magistrats professionnels, compétente pour le trafic de stupéfiants en bande organisée. 17 d’entre eux sont actuellement en fuite et font l’objet d’un mandat d’arrêt: ils pourraient donc ne pas comparaître lorsque sera audiencé ce dossier tentaculaire, objet d’un arrêt de mise en accusation de 802 pages.

Outre M. Herdman, distributeur, l’un des principaux responsables visés est Jean-François Eap, dirigeant de la société Sky Global.

Tous «savaient, ou ne pouvaient raisonnablement ignorer à tout le moins, que (Sky ECC) était susceptible d’attirer la convoitise des organisations criminelles opérant dans les divers trafics de stupéfiants extrêmement prolifiques», avaient estimé les magistrats instructeurs dans leur ordonnance rendue mi-août. Sky Global a développé, à partir de 2013, une application de messagerie cryptée appelée Sky ECC.

Installée sur des téléphones classiques achetés de la main à la main, en espèces ou en cryptomonnaies, avec des tarifs pouvant aller jusqu’à plus de 2.000 euros les six mois, cette solution téléphonique permettait, avec son système de chiffrement «extrêmement robuste et sophistiqué», d’échanger de façon sécurisée et anonyme. Toutes ces caractéristiques ont fait de Sky ECC «un moyen de communication à destination (quasi) exclusive des organisations criminelles», estimaient les juges d’instruction, ce qui était contesté notamment par M. Eap.

Le décryptage du système en 2019 par une équipe d’enquêteurs belges, néerlandais et français leur a donné un accès inédit aux pratiques des groupes criminels les plus dangereux. D’autres enquêtes ont été ouvertes après le déchiffrage de la messagerie et ont abouti au démantèlement de cartels et réseaux de trafiquants en Europe.