À l’occasion du Sunny Side 2025, Antonio GRIGOLINI, directeur des documentaires de France Télévisions, dévoile les grandes orientations éditoriales du groupe. Comédie doc, écriture sérielle, récits géopolitiques, portraits singuliers ou immersions au long cours : il revient sur les mutations en cours, la stratégie de coproduction internationale et la place centrale du récit dans l’offre documentaire du service public.
MEDIA +
Le Sunny Side reste un rendez-vous stratégique pour France Télévisions. Quel est votre état d’esprit pour cette édition 2025 ?
ANTONIO GRIGOLINI
L’envie, tout simplement. Nous sommes conscients de traverser une phase de mutation : mutation des usages, mutation du paysage médiatique… Je pourrais faire une très longue liste. Mais avec la filière, on se sent bien armés pour y faire face. C’est cet état d’esprit-là : on a envie d’y aller, d’attaquer les chantiers.
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Vous vous lancez dans la comédie documentaire ?
ANTONIO GRIGOLINI
L’offre documentaire de France Télévisions est extrêmement variée, et elle a totalement vocation à le rester. Mais on a bien vu qu’un ton plus comique ou léger nous manquait, alors même qu’il permet d’aborder des sujets lourds ou complexes. Ce n’est pas juste de la légèreté gratuite : c’est une autre manière de faire émerger de la connaissance, de l’expérience. Et soyons honnêtes, parfois, un peu d’humour fait du bien dans notre offre.
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Quels projets s’inscrivent dans cette veine ?
ANTONIO GRIGOLINI
Nous avons trois projets en écriture. D’abord «Une cabine à soi», autour de ces cabines de plage comme petits refuges intimes et collectifs. Ensuite, «Atropine et vieilles dentelles», une histoire rocambolesque sur une vieille dame qui prend une revanche savoureuse. Et enfin, «La gloire de mon père», un projet porté par… Jean-Pascal Zadi. Ce dernier pourrait changer de titre, mais l’esprit est là.
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Vous portez également une attention particulière à l’écriture sérielle. Quelles sont les thématiques qui s’y prêtent le mieux ?
ANTONIO GRIGOLINI
L’écriture sérielle peut s’appliquer à toutes les thématiques : histoire, société, science, découverte… Ce n’est pas une question de thématique, mais de narration. C’est un levier puissant au service du propos documentaire. Nous travaillons depuis plusieurs années avec les producteurs, le CNC, les écoles, les auteurs… Et ça porte ses fruits. Nous avions annoncé 33 séries en développement au FIPADOC, et cette saison nous avons proposé 29 premières parties de soirées en série documentaire sur nos antennes, quasiment le double par rapport à la saison précédente. Mais attention : on ne veut pas faire de la série à tout prix. Un unitaire réussi nous rendra toujours plus heureux qu’une série générée artificiellement. On connaît la force de l’écriture sérielle, tout en gardant le souci de la pertinence. Elle a du sens autant sur nos antennes que sur la plateforme : il n’y a pas d’opposition entre les deux, au contraire.
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Avec le label GlobalDoc, vous affirmez une ambition internationale ?
ANTONIO GRIGOLINI
GlobalDoc est avant tout un espace de co-création et de collaboration qui fonctionne très bien. Depuis sa création, plus de 25 projets ont vu le jour, et ils voyagent très bien à l’international. Aujourd’hui, 9 projets sont en cours. Ce que nous allons annoncer, c’est l’élargissement du dispositif à TV Brazil, ce qui portera à 11 le nombre de partenaires, parmi les plus grands diffuseurs publics mondiaux. Nous lançons aussi un appel à projets conjoint France-Brésil. GlobalDoc n’est pas juste un label, c’est un moteur d’échange, de richesse, de co-création… et tout le monde en a besoin.
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Des films témoignent d’un intérêt fort pour les enjeux géopolitiques. Quelle place accordez-vous à ces récits ?
ANTONIO GRIGOLINI
C’est un fleuron de notre offre. Donner à comprendre le monde, raconter des trajectoires humaines dans des contextes de crise ou de chamboulement, c’est essentiel. Ces films ont leur place en première partie de soirée sur France 5, parfois aussi sur France 2 selon les sujets et le contexte. Ce n’est pas une offre de niche : au contraire, la géopolitique est devenue, presque malgré elle, un sujet mainstream. Nous avons eu de très bons résultats avec «Opération Trump», «Aux origines du Covid» ou «MBS – L’Arabie du futur». La saison prochaine, nous allons explorer la résistance russe de l’intérieur, la guerre désormais ouverte entre l’Iran et Israël, la Mer Noire… Ce sont des zones chaudes du monde, mais ce sont aussi des récits portés par des personnages clés. Notre ambition : arriver avec des films exigeants, qui prennent le temps.
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Vous multipliez les portraits singuliers – Lio, Lucky Love, Renaud… Comment évitez-vous l’effet «biopic» formaté ?
ANTONIO GRIGOLINI
Nous ne faisons jamais des portraits pour les portraits. «Lio», c’est un film de société : à travers son parcours, on raconte 30 ans d’évolution de la société en France. Elle a vu et dit les choses en avance. «Devenir Lucky Love», c’est une trajectoire existentielle, une transformation vécue de l’intérieur. Ce film suit Luc depuis plusieurs années, il ne se contente pas de capter un moment de gloire. Pour «Renaud intime», c’est un récit personnel, incarné, totalement inédit. Ce qu’on cherche, c’est une narration originale, un point de vue, de la surprise.
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Sur un marché, comment France Télévisions se distingue-t-elle aujourd’hui ?
ANTONIO GRIGOLINI
Par la collaboration, déjà. Y compris avec les plateformes, avec lesquelles on dialogue. Mais surtout, on se distingue par notre mission : offrir une proposition de service public claire, singulière, exigeante sur le fond, mais ouverte sur les formes. Ce n’est pas parce que certaines formes sont plus fréquentes sur les plateformes qu’elles nous sont interdites. À nous de les mettre au service d’un propos utile, d’un regard. Et tant mieux si cela attire un public plus jeune. Les plateformes ont rendu le documentaire plus visible, plus accessible : charge à nous d’en profiter pour proposer autre chose, forts de notre identité de service public.