Soirées, déjeuners, projections privées, rencontres privilégiées avec les acteurs: la course aux Oscars ne se livre pas seulement sur les écrans. Pendant des mois, les finalistes déploient tous leurs charmes pour séduire les membres de la puissante Académie. «On ne peut pas juste attendre immobiles que le film fasse le travail pour nous», remarque Tom Nunan, producteur de «Collision», récompensé en 2006 par l’Oscar du meilleur film. Sourire, poser pour des «selfies», répondre aimablement aux questions et éviter toute polémique: le parcours pour les plus prestigieux prix du cinéma est presque aussi éreintant qu’une campagne électorale. Bien décidé à remporter enfin son 1er Oscar, Leonardo DiCaprio se prête en plein à l’exercice cette année pour son rôle dans «The Revenant», tout comme les équipes derrière les autres grands films favoris «The Big Short» et «Spotlight». Déployant une armée de chargés de relations publiques et d’experts en marketing, les grands studios mettent en marche une véritable machine de guerre. Ils dépenseront d’autant plus cette année qu’il y a plusieurs favoris pour le meilleur film, jusqu’à entre trois et dix millions de dollars, selon le magazine spécialisé «Variety». Les producteurs plus modestes eux parient sur les réseaux sociaux. Pour courtiser les 6.261 membres de l’Académie des arts et sciences du cinéma disposant du précieux droit de vote, il faut d’abord s’assurer qu’ils voient le film dans les meilleures conditions. «L’arrivée du DVD a changé radicalement les règles du jeu», se souvient Tom Nunan. «Nous avions été les 1ers à envoyer» le DVD au plus grand groupe d’électeurs de l’Académie et «cela avait fait toute la différence»: «Collision» avait créé la surprise en raflant l’Oscar du meilleur film au grand favori, «Le Secret de Brokeback Mountain». Meilleure recette encore: offrir aux membres de l’Académie une projection privée accompagnée d’une séance de questions-réponses avec les protagonistes. «Ça peut paraître évident mais si quelqu’un va voir «Birdman», a aimé le film et rencontre ensuite Michael Keaton et le trouve sympathique, il le soutiendra au moment du vote», explique Alvar Carretero de la Fuente, de l’agence de relations publiques JJPR. Son agence, qui mène notamment cette année les campagnes de «Seul sur Mars» et «Brooklyn», candidats au prix du meilleur film, a ainsi organisé un déjeuner dans un hôtel de luxe de Los Angeles pour 200 membres de l’Académie avec Matt Damon, héros de l’odyssée spatiale, en invité vedette. La plupart des acteurs s’impliquent spontanément pour remporter les suffrages. Mais certains, comme Daniel Day-Lewis, ne courtisent personne et gagnent quand même. L’acteur britannique a déjà remporté 3 Oscars, pour «My Left Foot» en 1990, «There Will Be Blood» (2008) et «Lincoln» (2013). «Tout ce qu’on fait en campagne ne garantit jamais la victoire mais on le fait avec l’espoir que le film sera vu et que les membres électeurs en parlent», reconnaît un autre chargé de relations publiques.
Si les acteurs Eddie Redmayne, Bryan Cranston, Cate Blanchett et Rooney Mara font tous campagne cette année pour remporter une statuette dimanche au théâtre Dolby d’Hollywood, la force des machines de promotion de Leonardo DiCaprio et Brie Larson semblent éclipser leurs efforts. La chanteuse Lady Gaga, en lice dans la catégorie meilleure chanson pour «The Hunting Ground», n’est pas en reste. Son interprétation début février de l’hymne national américain au Super Bowl, l’événement télévisé le plus suivi de l’année aux Etats-Unis, et son hommage quelques jours plus tard à David Bowie lors de la cérémonie des Grammy Awards ne sont pas des coïncidences: ce sont des actes de campagne.