«La Jeune fille sans mains», premier long métrage de Sébastien Laudenbach adapté d’un conte des frères Grimm, a captivé le festival du film d’animation d’Annecy pour la singularité de ses traits, qui rappellent le mouvement pictural impressionniste. Mis en voix par les comédiens Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm, le film – seul long métrage d’un cinéaste français en compétition – déploie l’histoire d’une jeune femme, fille de meunier, privée de ses mains par la hache de son père après un pacte avec le diable. Pour échapper à un sombre destin et à celui qui l’a trahie, elle décide de fuir loin des terres arides de son enfance. Un périple au cours duquel elle va rencontrer l’amour d’un prince et reprendre goût à la vie.
Réalisée avec peu de moyens, la graphie de ce film très coloré est faite de tâches et de traits dessinés au pinceau. Elle évolue en pointillés et joue sur les transparences, laissant au spectateur le choix de combler les vides volontaires de l’auteur. Sébastien Laudenbach – auteur précédemment de huit courts-métrages – est parti du postulat que l’animation, lorsqu’elle est soumise à une contrainte financière, peut faire l’économie de l’information contenue dans l’image, mais pas du mouvement. «C’est ainsi que chaque dessin, pris individuellement, est incompréhensible. Il n’acquiert un sens que lorsqu’il est animé avec les autres», explique le réalisateur de 42 ans, qui estime avoir expérimenté un langage et processus de travail singuliers, «peu utilisés dans l’animation». La narration du film, qui s’évade parfois dans des envolées abstraites somptueuses, est mise en abyme par un travail très précis sur le son et une bande originale rock, composée à la guitare électrique par Olivier Mellano.
Abandonné durant plusieurs années faute de moyens de production, le projet a été repris de zéro il y a quatre ans par le cinéaste, qui a souhaité, «de façon très solitaire», «réécrire le conte avec des dessins» alors qu’il se trouvait dans une résidence d’artistes. «Le conte m’a guidé. J’ai travaillé très vite, dans sa chronologie, en me laissant surprendre par ce qui jaillissait. Je l’ai fait avant-tout pour moi, pour terminer ce travail», raconte Sébastien Laudenbach. Il confesse son admiration pour la filmographie du cinéaste japonais du studio Ghibli Isao Takahata, à laquelle le long métrage fait référence. Les traits de «La Jeune fille sans mains» ont également été influencés par l’oeuvre du peintre français – mort en 1943 – Maurice Denis, membre du mouvement artistique post-impressionniste «Nabi».
Façonnant son projet à Rome, puis à Paris, Sébastien Laudenbach explique avoir évolué «à l’instinct», sans jamais s’appuyer sur un scénario ou un storyboard, à raison de «15 secondes d’animation par jour». «Les dialogues, que je voulais littéraires mais pas trop, ont été écris dans les tout derniers instants», souligne-t-il. Seul aux commandes de l’animation du film, le cinéaste s’est ensuite fait épauler, au moment de sa colorisation – elle aussi animée, parfois de façon imperceptible -, par une toute petite équipe, à qui il a demandé de travailler «à la sensation». Présenté en mai à Cannes dans le cadre de la sélection Acid, le film – produit par Les films sauvages et Les films Pelléas – a trouvé un distributeur français et américain. Sa sortie est prévu en France entre l’automne 2016 et l’hiver 2017.