Avec «The Revenant», Iñarritu entre dans la légende d’Hollywood

334

Le réalisateur mexicain Alejandro Iñarritu est entré dimanche dans l’histoire d’Hollywood avec «The Revenant», une superproduction contant l’odyssée d’un trappeur dans le Grand Nord grâce à laquelle il a démontré une nouvelle fois sa virtuosité. Iñarritu est devenu le 3ème cinéaste de l’histoire à gagner 2 fois de suite l’Oscar du meilleur réalisateur, après John Ford (1941 et 1942) et Joseph L. Mankiewicz (1950 et 1951). L’an passé il avait triomphé avec la comédie noire aux accents fantastiques «Birdman». Son doublé avec «The Revenant» le place aussi sur la liste prestigieuse des cinéastes ayant obtenu 2 statuettes pour leur réalisation parmi lesquels Billy Wilder, Clint Eastwood, Steven Spielberg, Milos Forman, Oliver Stone ou Ang Lee. «Je ne peux pas y croire», a-t-il lancé en recevant sa statuette, avant de rendre hommage à Leonardo DiCaprio, récompensé par l’Oscar du meilleur acteur pour son rôle de trappeur en quête de vengeance. L’Oscar du meilleur film a en revanche échappé au Mexicain, et est revenu à «Spotlight» de Tom McCarthy, saga journalistique sur les crimes pédophiles dans l’Eglise. «The Revenant» est sans doute le film qui résume le mieux le cinéma d’Iñarritu visant à secouer le spectateur pour lui faire comprendre un peu plus la nature humaine. Durant 5 années, le réalisateur a mûri son projet par des voyages, des lectures pour donner forme à cette histoire de vengeance, de survie et d’espérance. Le cinéma est pour lui «une autre manière de montrer qui tu es». Un film «est une extension de soi-même, c’est un bébé», dit-il. Le succès actuel de la carrière d’Iñarritu, né à Mexico il y a 52 ans, n’est pas totalement surprenant. Tous ses films – six au total – ont en effet été nominés par l’Académie américaine des arts et sciences du cinéma, un véritable exploit. Avant de trouver sa voie dans le cinéma, «El Negro» (Le noir) comme il est surnommé par certains, avait vécu plusieurs vies. Dans les années 80, il fut l’une des voix les plus populaires de la radio mexicaine, à la tête d’un programme de rock sur la station Wfm. La musique est tellement importante pour lui qu’il s’est plusieurs fois défini comme un «musicien frustré» avant de se considérer réalisateur. Son esprit d’aventurier l’a poussé à se détourner des micros dans les années 90 pour se lancer dans la réalisation de spots publicitaires et de courts-métrages avec sa société de production Z Films. Durant ces années cruciales pour sa formation, Iñarritu a étudié la direction théâtrale sous les ordres du metteur en scène polonais Ludwik Margules.  C’est à cette époque qu’il a effectué la rencontre la plus marquante de sa carrière en la personne du scénariste mexicain Guillermo Arriaga, qui a écrit le scénario de son 1er long-métrage «Amours Chiennes» (2000). Le film, dont l’interprète principal est Gael Garcia Bernal, a représenté le Mexique aux Oscars et marqué le début d’une nouvelle phase pour le cinéma latino-américain. Ensuite est venu «21 grammes» (2003) avec Sean Penn, puis «Babel» (2006) avec Brad Pitt, complétant la trilogie de la mort créée avec Arriaga et grâce à laquelle Iñarritu a mis un pied à Hollywood.  Mais le succès et des divergences de vues ont eu raison de son amitié avec le scénariste. Iñarritu a mis 4 ans pour reconstituer les bases de son cinéma et proposer «Biutiful» (2010), un drame interprété par Javier Bardem et financé par la société de production, désormais quasi inactive, Cha Cha Cha Films, fondée par Iñarritu avec les autres réalisateurs mexicains Alfonso Cuaron et Guillermo del Toro. Avec «Birdman», une comédie créée pour «se donner une respiration et passer un bon moment», Iñarritu a raflé 4 statuettes aux Oscars l’an dernier et a été sacré meilleur film étranger aux César vendredi. Il a réalisé dans la foulée «The Revenant», un projet personnel au budget considérable, qui l’a définitivement consacré comme un des meilleurs cinéastes d’Hollywood.