Bases de données alimentaires : des informations pas toujours fiable

Des noix de Saint-Jacques classées comme produit contenant des fruits à coque? Sur les applications pour repérer la valeur nutritionnelle ou les ingrédients indésirables des produits alimentaires transformés, ce type d’erreur est plus courant qu’on ne croit, et cela vient souvent des producteurs eux-mêmes. Créée en 2012 et alimentée par les consommateurs, la base de données française sur les produits de grande consommation Open Food Facts a permis, grâce à sa gratuité et au nombre conséquent d’articles référencés, à de nombreuses applications de voir le jour: par exemple Scanup et Yuka pour des conseils sur les valeurs nutritionnelles ou les additifs, des coachs nutritionnels numériques, ou encore Isla Food pour suivre un régime halal. Au début réticents voire opposés à la collecte de leurs données par des tiers, les industriels ont depuis compris l’intérêt de les partager et commencé à transmettre leurs informations à Open Food Facts. Mais ils ont parfois été agacés de voir des anonymes écraser leurs données et reprochent à la base d’être peu mise à jour alors qu’ils changent régulièrement leurs recettes. Conscient de l’enjeu, Open Food Facts a créé en octobre 2019 une passerelle spéciale pour que les producteurs puissent rentrer leurs informations régulièrement. Elles sont vérifiées et ensuite bloquées pour qu’aucun autre contributeur ne puisse les changer. Soucieuse de garder le contrôle face aux bases de données collaboratives, la filière agroalimentaire développe de nouvelles bases de données avec des informations (ingrédients, valeurs nutritionnelles, allergènes, etc.) prises à la source, et donc en théorie plus fiables. Ainsi l’association nationale des industries alimentaires (Ania) a lancé le projet Num’alim, qui recueillera toutes les données sur les aliments (de l’agriculteur au vendeur) et leur consommation afin d’alimenter des études sur les comportements et de conseiller les professionnels. Cette plateforme s’appuiera sur Codeonline Food, la base de données de l’organisme de standardisation GS1 France, chargé par l’Ania de compiler les informations-produits directement auprès de ses membres (industriels mais aussi petits producteurs). Selon Gaëlle Auffret, directrice du marché des Produits grande consommation (PGC) pour GS1 France, cette collecte d’informations à la source assure «une base de données fiables et sûres, qui ne peuvent pas être modifiées et qui donne la possibilité aux marques de redevenir maîtres de leurs données». Mais les informations fournies par les producteurs sont-elles forcément plus fiables que celles renseignées par les consommateurs? Julien Doyen, fondateur de l’application Allergobox qui détecte les allergies, en doute: sa plateforme Consotrust, qu’il a créée pour vérifier, corriger et certifier les données grâce à des algorithmes, a constaté 5% à 40% d’erreurs selon les producteurs. «On ne pourrait pas créer Allergobox en se basant sur les données de Codeonline ou d’Open Food Facts telles quelles, sinon on tuerait quelqu’un le premier jour», explique-t-il. Les erreurs qu’il a constatées sont de tous types: des fautes d’orthographe (qui empêchent les algorithmes des applications de détecter un additif ou un allergène), des incohérences sur les valeurs nutritionnelles (par exemple 120 grammes de sucre dans une portion de 100 grammes de nourriture), des inversions de données (pourcentage de lipides confondu avec le pourcentage d’acide gras saturé), des erreurs d’analyse notamment dans l’identification des allergènes. Ces inexactitudes peuvent avoir des conséquences pour les personnes qui surveillent leur consommation de gluten ou de sel, ou souffrent d’allergies ou de diabète, confirme le diététicien du sport David Guyonnet.