Cryptomonnaies: les «mineurs» contraints de fuir la Chine

«On réfléchit désormais aux moyens d’aller à l’étranger»: confrontés à l’offensive de la Chine contre les cryptomonnaies comme le bitcoin, les «mineurs» chinois sont poussés vers la sortie. Au nom de préoccupations écologiques et financières face à une activité très énergivore et sur laquelle la banque centrale a peu d’emprise, les autorités locales ont durci le ton ces dernières semaines. Elles viennent de suspendre le «minage» de cryptomonnaies dans le Sichuan (sud-ouest), l’une des provinces jusqu’ici les plus en pointe dans ce domaine, en raison notamment du faible coût de l’électricité. 

Une douche froide pour Chris Zhu, qui venait tout juste d’y déménager les machines de ses clients depuis le Xinjiang (nord-ouest) – où les autorités locales avaient pris une décision similaire. «On réfléchit désormais aux moyens d’aller à l’étranger», explique M. Zhu, dont la compagnie, INBTC, qui assure la maintenance de ces machines et des sites de minage, a déjà perdu des millions d’euros cette année. Une «mine» de cryptomonnaies n’est pas une galerie dans le sol dont on extrairait des bitcoins et autres ethereums. Il s’agit d’un bâtiment accueillant des milliers de serveurs informatiques qui effectuent des calculs. Ces opérations visent à authentifier les transactions cryptées et rapportent de l’argent aux «mineurs». Problème: le minage consomme une énorme quantité d’électricité – 0,6% de la production mondiale en 2021, selon une prédiction de l’Université de Cambridge (Angleterre). La Chine alimentant près de 80% du commerce planétaire de cryptomonnaies, la facture environnementale n’y est pas anodine, une grande partie de l’électricité chinoise étant produite grâce au charbon. Selon une étude publiée en avril dans la revue scientifique Nature, le minage risque ainsi de compromettre les ambitieux objectifs climatiques du pays – qui prévoit d’atteindre la «neutralité carbone» d’ici 2060. La Chine avait déjà décrété une interdiction des transactions en 2017, tout en continuant de tolérer le minage. 

Mais plusieurs régions ont ordonné ces derniers mois la fermeture des «mines», du Qinghai (nord-ouest) à la Mongolie-intérieure (nord), riches en électricité bon marché – hydroélectrique ou charbonnée. Résultat: 90% des capacités chinoises sont aujourd’hui à l’arrêt, selon le quotidien «Global Times». «On avait passé 10 jours à tout déménager», peste Chris Zhu, dont l’entreprise gérait une mine de 260 mégawatts au Xinjiang avant d’être contrainte de plier bagage. «Avec cette répression dans le Sichuan, on est à court de solutions». D’après lui, 10% à 20% des acteurs chinois du minage ont entamé leur délocalisation à l’étranger. Lundi, la firme chinoise BIT Mining, cotée en Bourse aux Etats-Unis, a annoncé avoir déjà transféré 320 machines au Kazakhstan depuis le Sichuan. Elle compte en expédier 2.600 autres dans les prochains jours. Pour Nic Carter, du fonds américain de capital-risque Castle Island Ventures, aux Etats-Unis, la nouvelle réglementation chinoise sonne comme «un arrêt définitif de l’exploitation minière» dans le pays. «Tous les mineurs à qui j’ai parlé en Chine sont en train de chercher à délocaliser à l’étranger». Mais vers où? L’Asie centrale et l’Amérique du Nord sont régulièrement citées. «Beaucoup n’étaient pas très chauds pour aller à l’étranger lorsque le minage était encore possible en Chine», explique M. Li, un «mineur» chinois qui souhaite conserver l’anonymat.