D. VIDAL REVEL (Europe 1) : «Notre priorité est de cultiver un esprit de grande famille»

En 2025, Europe 1 fête ses 70 ans. L’occasion de revenir sur l’héritage de la station, son évolution récente et ses défis pour l’avenir. Donat Vidal Revel, Directeur Général d’Europe 1, décrypte le repositionnement de la station, le succès retrouvé auprès des auditeurs, l’importance du numérique et les enjeux liés à l’émergence de l’intelligence artificielle.

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Europe 1 fête ses 70 ans cette année. Comment définissez-vous l’héritage et l’ADN de la station ?
DONAT VIDAL REVEL

Je conseille vivement à tous ceux qui veulent comprendre l’histoire et la singularité d’Europe 1 d’écouter le podcast «L’Incroyable Histoire d’Europe 1», réalisé par Julien Pichené et ses équipes. En trois épisodes de vingt minutes, il retrace comment Europe 1, dès sa naissance, a incarné une modernité révolutionnaire. Dès 1955, Europe 1 brise les codes établis de la radio. À l’époque, les journalistes ne parlent pas à l’antenne : seuls des speakers lisent les informations. Europe 1 invente une nouvelle façon de faire de la radio, en intégrant des meneurs de jeu, appelés «soleils», et des journalistes qui interviennent en direct avec un ton plus direct, tout en restant respectueux. Cette liberté de ton s’accompagne d’une avancée technologique majeure : les premiers magnétophones Nagra, qui permettent d’enregistrer des reportages et de faire du direct sur le terrain. Europe 1 est aussi la première radio à retransmettre en direct depuis l’Assemblée nationale. Pierre Bellemare, avec «Vous êtes formidables», ouvre l’antenne aux auditeurs et lance de grandes opérations caritatives, une approche alors inédite.

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La ligne éditoriale d’Europe 1 a beaucoup évolué. Comment la qualifiez-vous aujourd’hui ?
DONAT VIDAL REVEL

Depuis deux ans, nous revendiquons cette liberté d’esprit, cette audace et cette capacité à bousculer les idées reçues. Cette année, nous avons repositionné la station sur un axe clair : «Europe 1, la radio libre». Une liberté de ton, de pensée et d’analyse qui résonne avec notre ADN originel et qui, de toute évidence, trouve un écho fort auprès de notre audience.

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L’enjeu de l’audience est crucial. Où en est Europe 1 en 2025 et quelles sont vos priorités ?
DONAT VIDAL REVEL

Aujourd’hui, nous avons retrouvé notre identité et notre public nous suit: nous avons gagné 470.000 auditeurs en un an, 700.000 en deux ans, soit une croissance de 35%. Ce succès repose sur un positionnement clair et des figures fortes, mais aussi sur une cohérence éditoriale qui donne un cap à l’ensemble de la station. Avec Constance Benqué, notre priorité est de cultiver un esprit de grande famille, une alchimie entre les émissions et les animateurs. Fini le cloisonnement où chaque tranche d’antenne fonctionne en vase clos : aujourd’hui, Europe 1 vibre d’une même énergie du matin au soir. Nous avons aussi consolidé notre équipe avec des personnalités fortes : Dimitri Pavlenko, qui a dépassé la matinale de RMC. Pascal Praud, qui incarne parfaitement la liberté de parole. Laurence Ferrari qui réalise des records historiques avec «Punchline» (+48% sur la part de marché). Sonia Mabrouk, dont «La Grande interview» de 8h10, en co-diffusion avec CNews, séduit de plus en plus d’auditeurs (+40.000 en un an). Tout cela contribue à une identité forte et assumée, qui fidélise notre audience.

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Le numérique est un enjeu majeur pour les médias. Quelle place occupe-t-il chez Europe 1 ?
DONAT VIDAL REVEL

La stratégie numérique est centrale. La façon d’écouter la radio a radicalement changé ces dernières années : 14 millions de podcasts sont écoutés chaque mois, et notre écoute en streaming a progressé de 18% en un an. Nous avons développé de nombreux podcasts natifs, notamment autour de la marque «Au Cœur de» qui se décline avec l’histoire, le crime ou encore l’actualité, comme notre série sur la réouverture de Notre-Dame. Le succès des «Récits Extraordinaires de Pierre Bellemare» se confirme avec plus de 10M de téléchargements. Après Michel Drucker, Charles Aznavour, Brigitte Bardot… La collection «Destins Extraordinaires» s’enrichit avec Dalida, dont le succès est intimement lié à Europe 1. Nous pensons la radio comme une marque globale qui doit exister sur tous les supports : FM, DAB+, numérique, podcast. Il n’y a plus de cloisonnement.

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Comment analysez-vous la convergence avec CNews ?
DONAT VIDAL REVEL

C’est un partenariat extrêmement vertueux. L’interview politique de 8h10 de Sonia Mabrouk, diffusée sur les deux antennes, réunit au global plus de 1,2 million d’auditeurs et de téléspectateurs. Le 18h-19h de Laurence Ferrari sur Europe 1, qui est aussi diffusé sur CNews, a connu une progression record de +48%. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a aucune cannibalisation entre les deux médias. Au contraire, ce croisement permet à chacun de toucher un public plus large et de renforcer sa légitimité.

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Cyril Hanouna pourrait rejoindre Fun Radio. Son départ serait-il un tournant pour Europe 1 ?
DONAT VIDAL REVEL

Je souhaite ardemment que Cyril Hanouna reste. C’est un immense professionnel qui a une relation unique avec son public. Quand il est arrivé à Europe 1, il a immédiatement su donner une âme à son émission, gérer le rythme, le timing, les échanges avec les auditeurs. Peu d’animateurs ont cette capacité. Je suis convaincu que sa place est ici.

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Comment imaginez-vous Europe 1 en 2035 ? Quels seront les défis de la radio ?
DONAT VIDAL REVEL

Le défi principal, c’est d’être présent sur tous les supports tout en gardant l’oralité et l’intimité qui font la force du média radio. L’autre révolution, c’est l’intelligence artificielle. Nous réfléchissons déjà à des projets autour de la voix synthétique et de la production de contenus automatisés. Avec Christophe Hondelatte, nous pourrions, par exemple, créer une IA capable de raconter des récits criminels à sa manière. Nous ne sommes qu’aux prémices d’un immense bouleversement. Notre mission sera de préserver la qualité éditoriale et la rigueur journalistique, tout en intégrant ces nouvelles technologies pour offrir aux auditeurs une expérience encore plus riche et immersive.