Journaliste vedette en Suisse, Darius Rochebin, qui vient d’être mis hors de cause dans une enquête l’accusant de harcèlement, avait décidé l’an dernier de prendre un nouveau départ en France où son style, mélange de courtoisie et de regard distancié sur l’actualité, a fait mouche. L’arrivée sur LCI de celui qui avait présenté pendant 20 ans à la Radio télévision suisse (RTS) les nouvelles du soir puis les JT du week-end avait été annoncée en grande pompe. Fin août 2020, le journaliste, âgé de 54 ans, avait repris les rênes de la tranche 20H-21H sur LCI du lundi au jeudi, durant laquelle il menait un grand entretien avec un invité «de premier plan». Il avait accepté de prendre ce nouveau départ afin de «travailler dans un très grand groupe», TF1, et pour «se concentrer sur l’interview», son exercice journalistique préféré, avait-il expliqué. Exercice dans lequel il s’est spécialisé au fil de sa carrière en menant des entretiens avec de nombreuses personnalités, parmi lesquelles le Dalaï Lama, Greta Thunberg ou Vladimir Poutine: «Poutine, c’est le pouvoir pur, c’est très intéressant car vous êtes face à quelqu’un qui est entièrement maître de sa parole, encore plus qu’un dirigeant occidental qui doit compter avec son parti, sa coalition, sa communication…», raconte-t-il. Sa notoriété lui a permis de réaliser quelques «coups», comme la première interview du cinéaste Roman Polanski en 2011 après son assignation à résidence en Suisse, ou celle fin 2019 de François Fillon, dont la parole était devenue rare après sa défaite au premier tour de l’élection présidentielle. C’est grâce à cet entretien que TF1 l’a repéré. Né d’une mère suisse «d’un milieu très modeste» et d’un père iranien «très francophile», Darius Rochebin enseigne après des études de lettres. En parallèle, il écrit ses premières piges pour le «Journal de Genève». Ce passionné d’histoire et de politique prend alors très vite goût au journalisme : «je m’identifie au métier, le journalisme, c’est le fait de toujours exercer son esprit critique, de suspendre son jugement, d’entretenir sa curiosité. C’est plus qu’un métier, c’est presque une idéologie», estime-t-il. De ses débuts de pigiste date son changement de nom, Khoshbin en Rochebin. «Dans l’un de mes premiers articles, il y avait une faute dans mon nom. Quand vous êtes jeune pigiste c’est un drame!», confiait-il, assurant ne pas avoir de «complexe particulier» par rapport à ses origines.Les interviews de Darius Rochebin, minutieusement préparées en amont, et son style ont commencé à faire mouche l’an dernier en France. Ses interviews sont «bienveillantes et pointues», saluait «Le Parisien» quand «Libération» vantait son style «limpide et didactique». Le journaliste explique son style par le fait de ne pas être «du tout donneur de leçons». «Je suis vraiment pluraliste, c’est une marque de fabrique suisse. J’ai toujours été intéressé par des gens qui ne sont pas de mon avis. J’ai pas mal de copains anti-mondialisation ou très libéraux, très loin de mes opinions qui sont plutôt modérées». Mais l’effet Rochebin s’arrête en vol à peine deux mois après son arrivée dans le paysage audiovisuel français. Fin octobre, le présentateur est mis en cause dans une enquête, publiée par le quotidien suisse «Le Temps», sur des «comportements déplacés» à l’égard de plusieurs personnes au sein de la chaîne RTS. L’enquête s’appuie sur une trentaine de témoignages. Il conteste illico ces accusations, porte plainte en diffamation contre le journal suisse, et se retire temporairement de l’antenne de LCI où il est remplacé par Elizabeth Martichoux. Au début de l’année, le patron de l’information de TF1, Thierry Thuillier précise que si son groupe «ne tolèrera aucun agissement de cet ordre-là», «la présomption d’innocence» existe. Vendredi, la RTS a publié les conclusions de son enquête interne: celle-ci «ne permet pas de conclure à des actes relevant de harcèlement ou d’infraction pénale» et Darius Rochebin est dès lors «mis hors de cause» .