De la BD à la barre: l’auteur de bande dessinée Bastien Vivès sera jugé mardi et mercredi à Nanterre pour diffusion d’images de mineurs que l’accusation considère comme pornographiques, quand la défense met en avant la liberté de l’artiste. Pendant 2 jours, le dessinateur de 41 ans comparaîtra devant le tribunal correctionnel pour fixation et transmission en vue de la diffusion d’images à caractère pédopornographique. Les éditions Les Requins Marteaux et Glénat, qui ont publié les 2 albums incriminés, sont-elles poursuivies pour diffusion de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique. Une enquête avait été ouverte en janvier 2023, à la suite d’une plainte de plusieurs associations de protection de l’enfance. Elle visait 3 ouvrages du dessinateur: «Les Melons de la colère» (paru en 2011), «La Décharge mentale» (2018) et «Petit Paul» (2018). Ce sont ces 2 derniers albums qui feront l’objet des débats. «Petit Paul», qui avait déjà fait l’objet de deux signalements (2018 et 2020) classés sans suite par le parquet de Nanterre, met en scène un enfant au pénis démesuré ayant des relations sexuelles avec des femmes majeures. «La Décharge mentale» évoque un homme ayant des relations sexuelles avec des jeunes filles mineures. Dans sa plainte, l’association Fondation pour l’enfance dénonçait des «représentations de mineurs dans des situations sexuellement explicites, présentant indubitablement un caractère pornographique», ce que la défense dément. «Il n’y a jamais eu aucune incitation et aucune apologie de la pédophilie par Bastien Vivès dans ses oeuvres», affirme Me Richard Malka, avocat du dessinateur. Pour lui, ces associations considèrent que «la fiction est égale à la réalité. Leur cible principale, c’est la liberté artistique et la liberté d’expression». Ce procès est «une porte ouverte sur l’obscurantisme», estime-t-il. De nombreux témoins devraient intervenir au cours de l’audience, parmi lesquels, côté défense, l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen (2017-2018) et le directeur de l’hebdomadaire satirique «Charlie Hebdo», Riss, a également indiqué Me Malka. Pour Me Cécile Astolfe, qui défend la Fondation pour l’enfance, l’association a uniquement «signalé des faits réprimés par le code pénal dans le cadre de sa mission de protection de l’enfance». «Il est vain de tenter d’en faire une polémique sur le plan de la morale et d’une prétendue atteinte à la liberté d’expression et de création», ajoute-t-elle, se défendant d’une quelconque procédure politique. «C’est la stricte application de la loi: la représentation d’un mineur de moins de 15 ans présentant un caractère pornographique est interdite», relève-t-elle. Pour Me Delphine Girard, avocate d’Innocence en danger, «une des principales questions sera de déterminer s’il s’agit bien d’enfants» représentés dans les productions, mais aussi de trancher sur la dimension «humoristique» et «potache» des dessins avancée par la défense. En 2018, après la parution de «Petit Paul» les éditions Glénat avaient affirmé que cet album n’avait «jamais» eu «pour vocation de dédramatiser, favoriser ou légitimer l’abus de mineur de quelque manière que ce soit». Dans un entretien, la directrice de la maison d’édition Marion Glénat-Corveler a assuré qu’elle défendrait la liberté d’expression à l’audience, «une des valeurs fondamentales de (son) métier d’éditeur». Plusieurs autres oeuvres du dessinateur, à l’instar des «Melons de la colère», vague parodie des «Raisins de la colère» où plusieurs hommes violent une adolescente paysanne, avaient suscité l’indignation d’associations et de militants. Le Festival international de la BD d’Angoulême avait d’ailleurs déprogrammé une exposition consacrée à Bastien Vivès prévue lors de son édition 2023, en raison de «menaces physiques» proférées contre lui.