Depuis la loi Télévision du Futur de mars 2007, des travaux ont eu lieu afin de préparer des schémas pour l’extinction de l’analogique ainsi que pour définir des feuilles de routes sur la gestion du dividende numérique. Le gouvernement devrait décider des solutions à adopter dans ces deux domaines cet été. Mais d’ores et déjà, tous les acteurs concernés mettent en perspective leurs réflexions. Comme c’était le cas lors du colloque de mercredi, organisé par NPA Conseil sur le thème: «Médias numériques en 2008: transition ou Big Bang?», voici ce que média+ a retenu de l’atelier 2 du colloque sur le «Développement de l’Internet mobile, de la TMP et de la TVHD: quels arbitrages pour l’attribution du dividende numérique».
Michel Boyon, Président du CSA : La révolution numérique d’aujourd’hui permet plusieurs évolutions positives. Tout d’abord, il y a un enrichissement de l’offre, grâce, premièrement, à la TNT qui permet entre autres le développement des télévisions locales. D’ici 2011, c’est une centaine de télévisions locales que la France comptera et nous nous serons alors mis à niveau par rapport aux autres chaînes européennes. Deuxièmement, on constate un enrichissement de l’offre grâce à la radio numérique qui devrait couvrir l’ensemble du territoire. Toutefois, toujours dans le respect de la diversité, le CSA assurera la pérennité des radios locales et associatives. Enfin, au CSA, nous constatons qu’il y a un lancement constant de nouvelles chaînes thématiques, ce qui présage d’une bonne santé du secteur. Un enrichissement de l’offre donc, mais aussi une progression de la qualité. Nous parlons ici de la forme et non du fond. La Haute Définition a commencé à se développer sur le câble et sur l’ADSL. Le CSA tient également à ce que que la HD soit disponible chez les ménages qui regardent la télévision par voie hertzienne. Une révolution qui entraîne, enfin, une diversification des supports avec une individualisation de la consommation, une multiplication des récepteurs et une personnalisation des accès aux contenus (VOD, catch-up etc.). Quant aux défis à relever pour les chaînes, il s’agit de la fragmentation de l’audience et des ressources publicitaires, notamment pour faire face au passage au tout numérique, mais aussi du contexte concurrentiel qui se renforce (public/privé, analogique/TNT, opérateur audiovisuel/opérateur de télécommunication). Enfin, il faut prendre en compte le défi de la définition du service public ainsi que de sa réorganisation. La révolution reprend les exigences du public: accéder à l’information et à la connaissance, au divertissement, au sport, à la culture en tout lieu et à tout moment.
Paul Champsaur, Président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) : La numérisation de la diffusion hertzienne terrestre de la télévision va libérer une quantité considérable de fréquences. En effet, à définitions comparables, la diffusion d’une chaîne en numérique nécessite six fois moins de ressources qu’en analogique. L’utilisation plus efficace du spectre rendra possible le lancement de nouveaux services: c’est ce gain que désigne l’expression «dividende numérique». La question de l’affectation de ce dernier est celle du schéma cible d’utilisation des fréquences à l’extinction de l’analogique, et révèle la nécessité d’une modernisation de la gestion des fréquences hertziennes. Le spectre hertzien constitue un actif immatériel de l’Etat extrêmement précieux. Comme le rappelle le rapport de la Commission sur l’économie de l’immatériel, les revenus générés par l’utilisation du spectre sont estimés à plus de 200 milliards d’euros en Europe par an, soit près de 2% du PIB européen. Pour réussir le déploiement sur tout le territoire du très haut débit mobile lors de la prochaine décennie, des décisions politiques sont indispensables aujourd’hui, affectant dès l’extinction de l’analogique la sous-bande de la CMR aux services mobiles. Ces décisions donneront aux acteurs, opérateurs et constructeurs, la visibilité et les garanties qui leur sont nécessaires pour engager sans attendre sur le plan industriel et économique la préparation des investissements nécessaires, dans un contexte de compétition mondiale.
Jean-Michel Hubert, Président du Comité Stratégique du Numérique (CSN): Tous les acteurs partagent les mêmes observations sur la question des dividendes numériques, notamment quant à l’entière couverture du territoire des services de demain. D’autre part, au-delà des perspectives que chacun peut évoquer, nous avons assurément relevé les défis que cette révolution pose quant aux capacités de financement des uns et des autres. Enfin, l’usage sur la mobilité, que ce soit sur la TMP ou l’Internet mobile, découle préalablement de l’utilisation des services fixes. C’est dans un deuxième temps que la mobilité se développe. Apprécions aujourd’hui les usages de la télévision et d’Internet et essayons de préfigurer ce que seront les exigences du concitoyen fin 2011. Toutefois, je crois qu’aujourd’hui il est temps qu’une décision politique arrive.
Bruno Retailleau, Président de la Commission parlementaire pour le dividende numérique: A qui doit profiter le dividende? Telle est la question que se pose la Commission. Toutefois, deux autres questions apparaissent alors: comment se matérialise le dividende et comment l’optimiser, par quels services? La réponse à la première question n’est pas simple car elle concerne tout aussi bien les opérations d’arrêt que celles du basculement. Le souhait étant que tout cela soit prêt au 30 novembre 2011. Seulement, la règle législative ne sépare pas la période de basculement de celle de l’arrêt de l’analogique: il y a simplement un schéma d’arrêt. Alors qui doit s’occuper du basculement? Or parallèlement, les chaînes sont en constante demande de développement et de déploiement du réseau afin qu’il n’y ait pas de perte d’audiences. Clairement aujourd’hui, il n’y a pas de quoi généraliser la HD puisqu’ on reste jusqu’à fin 2011 avec sept multiplexes.
Yves Blanc, Directeur de la Stratégie et des Relations Extérieures d’Eutelsat: A bord du satellite, on a passé la barre des 3 000 chaînes de télévision et on continue à en ajouter entre 40 et 50 tous les mois. En gros, pour une chaîne qui se crée au sein de l’Union Européenne et qui vient sur le satellite, trois autres se créent en Europe de l’Est ou autre part. Sur les 3 000 chaînes, il ne reste que 13 chaînes analogiques dont 10 qui sont françaises. La France reste vraiment le petit village Gaulois.