Entretien avec … François Jost, professeur en science de l’information

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    En lançant son premier journal télévisé à 19h45, M6 bouscule les carrefours de l’avant-soirée et risque de faire perdre de l’audience aux autres chaînes, tout en attirant un public supplémentaire, sans doute plus jeune, selon François Jost, professeur en sciences de l’information.

    média+ : Que signifie lancer un journal télévisé pour une chaîne comme M6 ?

    François Jost : Une grande chaîne se doit d’avoir son JT pour se légitimer complètement comme généraliste. Un JT est un signe de puissance parce que c’est encore ce qui réunit le plus. Et le présentateur reste une manière de construire un lien de familiarité avec le téléspectateur. Pour M6, il s’agit aussi d’une stratégie éditoriale. Si elle avait programmé son JT à 20h00, elle aurait eu du mal à l’imposer. Le mettre à 19h45, c’est un coup audacieux qui va à l’encontre des carrefours bien institués d’avant-soirée.

    média+ : Ce nouveau rendez-vous représente-t-il un risque pour les autres chaînes ?

    François Jost : Il est quasiment évident que les autres chaînes vont perdre un peu d’audience dans un premier temps. Comme le journal de M6 sera assez complet (15 à 20′), on peut imaginer qu’un certain nombre de téléspectateurs ne vont pas se «refaire» un deuxième JT derrière. Ils rateront donc les titres des journaux de TF1 et France 2 à 20h00 et seront encouragés à rester sur M6 pour regarder la série «Malcom» à 20h05… ou à aller voir «Plus belle la vie» à 20h10 sur France 3. «Plus belle la vie» (qui fait déjà concurrence aux JT de TF1 et France 2, NDLR) avait d’ailleurs déjà montré que les gens n’avaient pas forcément tous envie de regarder un tunnel d’informations de 25 à 30′.

    média+ : En quoi M6 peut-il renouveler le genre?

    François Jost : Le JT peut apporter le ton de M6, plus jeune et donc amener un public supplémentaire. M6 jouera aussi la proximité à sa manière, même si toutes les chaînes prétendent être proches des gens. On peut très bien penser que l’angle, la rapidité et le choix des informations seront différents, avec par exemple des mises en perspective historiques pour les jeunes. Les JT de TF1, France 2 – qui ont une personnalité vraiment différente depuis un an – et de France 3 s’adressent implicitement à un public plus âgé. Il y aura sans doute aussi plus de reportages renvoyant aux émissions de M6, afin d’orienter le téléspectateur dans la grille. Car dans une chaîne bien faite, le JT pose des questions que d’autres programmes résolvent: la force du journal de 13h00 de TF1, c’est qu’il renvoie à des émissions de la grille comme «Combien ça coûte». Les chaînes du service public ne sont pas dans cette approche car elles ont mission de s’adresser à tous, quand les chaînes privées ont un public plus ciblé. Le fait que les présentatrices de M6 (Claire Barsacq et Nathalie Renoux) soient debout va jouer aussi. Mais c’est plus difficile à admettre pour un public plus âgé.