Fraîchement césarisée, Nina Meurisse se meut en ambassadrice de la classe ouvrière dans la série d’ARTE «37 secondes»

Fraîchement césarisée pour son second rôle dans «L’Histoire de Souleymane», Nina Meurisse se meut en ambassadrice de la classe ouvrière dans «37 secondes», série d’Arte sur le naufrage du Bugaled Breizh «qui donne la parole à des gens qu’on n’écoute jamais». La comédienne de 36 ans y incarne Marie, la belle-soeur (fictive) d’un des cinq marins ayant perdu la vie le 15 janvier 2004, lorsque leur chalutier breton a subitement coulé dans la Manche, dans des conditions toujours inexpliquées. En quête de vérité, cette employée d’un atelier de maréyage devient le porte-voix des familles des victimes, navigant en dehors de son milieu social au contact d’un avocat campé par Mathieu Demy. Cette série, en compétition à Séries Mania à Lille, «donne la parole à des gens qu’on n’écoute jamais, c’est-à-dire le monde ouvrier», relate Nina Meurisse, qui n’avait auparavant «jamais entendu parler du Bugaled». «On ne les écoute pas et on ne les considère pas. D’ailleurs, la justice s’est un peu dit à un moment: «On va les épuiser et puis ça va les calmer»», ajoute la native de Caen, «vraiment scotchée par l’engagement au long cours» des familles concernées par ce drame. La production a choisi de ne pas rencontrer ces dernières, «pour ne pas être empreinte d’une parole qu’on ne pourrait pas restituer à sa juste valeur» dans une fiction romancée, selon Nina Meurisse. Mais le tournage au Guilvinec (où était immatriculé le bateau), dans le Finistère, a permis de mesurer à quel point la population avait été éprouvée. Et «j’ai lu beaucoup de choses sur le monde marin, sur Le Guilvinec, pour essayer de me mettre dans la tête ce que c’est d’avoir une vie là-bas, de se lever à 4h du matin, d’avoir mal partout, d’avoir une vie rythmée par les marées, par les tempêtes, par la météo, par des conditions difficiles», ajoute l’actrice. Cette dernière, qui avait déjà passé une semaine dans une poissonnerie pour le film «Crawl» (2013), s’est également essayée au mareyage pendant deux jours. Se frotter à un autre job, elle connaît: pour «Camille», film de Boris Lojkine sur la journaliste française Camille Lepage, tuée en 2014 en Centrafrique, elle s’est formée à la photo pendant deux mois avec l’AFP, avant de décrocher une nomination pour le César du meilleur espoir féminin en 2020. Pour «L’histoire de Souleymane», toujours signé Boris Lojkine, elle a assisté à des entretiens à l’Ofpra, l’organisme chargé d’examiner les demandes de protection internationale en France, afin d’incarner l’un de ses agents, dans la scène finale. Une seule scène qui lui a valu le César du meilleur second rôle 2025. «Putain, c’est dur, ce métier», avait-elle lâché, émue, fin février en recevant son prix. «C’est un métier qui est aussi merveilleux, extraordinaire et bouleversant qu’il est violent», explique-t-elle. «On vous juge sur votre physique et on vous le dit très frontalement, que vous êtes moche, que vous n’êtes pas assez sexy», illustre celle qui s’est «écroulée» après une «accumulation de tournages difficiles l’année dernière». En décembre, auditionnée par la commission d’enquête parlementaire sur les violences dans le cinéma et l’audiovisuel, Nina Meurisse a raconté le traumatisme subi lors du tournage d’une scène de viol dans son tout 1er film («Saint-Cyr», de Patricia Mazuy) à l’âge de 10 ans et demi. «On ne m’a pas présenté l’acteur, on ne m’a pas expliqué ce qui allait se passer, ni où on allait me toucher. (…) J’étais vraiment surprise et vraiment tétanisée et ça marchait très bien pour le film». «Je pense que cela n’arriverait plus aujourd’hui», estime la comédienne, se réjouissant de la libération de la parole. Elle sera de retour prochainement dans les secondes saisons de «B.R.I» et «Coeurs noirs», et partira «à la rentrée sur le prochain film d’Eric Gravel», réalisateur d’«A plein temps».