French Tech, Health Data Hub… des défenseurs de la francophonie ont lancé une difficile bataille juridique

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French Tech, Next 40, Health Data Hub…: ces mots clefs forgés par l’Etat dans sa politique numérique hérissent le poil de certains défenseurs de la langue française qui ont lancé une difficile bataille juridique pour obtenir leur francisation.

Jeudi, le rapporteur public du tribunal administratif de Paris a conclu au rejet d’une demande de l’association de défense de la francophonie A.FR.AV, qui voulait interdire à l’Etat d’utiliser ces appellations et d’autres comme «Choose France» ou «French Impact».

Ce rejet n’est pas définitif, puisqu’il s’agit d’un avis et non d’une décision définitive du tribunal. Mais il illustre les difficultés d’application que pose la loi Toubon de défense de la langue française, promulguée en 1994. Cette loi interdit à tout acteur public d’utiliser «une expression ou un terme étrangers» dans une marque ou appellation qu’il crée, dès lors qu’un mot équivalent existe en français.

La réglementation est toutefois ambiguë sur la manière dont l’existence d’un «mot équivalent» en français peut être prouvée. Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat (affaire «Let’s Grau», du nom d’un slogan choisi par la commune éponyme du Gard), il faut s’en tenir strictement à une liste publiée au Journal officiel par la Commission d’enrichissement de la langue française, qui propose des mots équivalents pour les nouveaux mots techniques, comme «email» (courriel) ou «podcast» (audio). Or les mots ordinaires – comme Health (santé), Data (Données), ou Hub (plaque tournante, entrepôt) par exemple – ne figurent pas dans cette liste, ce qui selon le Conseil d’Etat empêche d’appliquer la loi Toubon.

«Pour résumer le caractère absurde» de la situation, «l’Etat n’a pas le droit d’utiliser les mots «email» ou «podcast» car ils ont un équivalent français publié au Journal officiel, mais il peut utiliser «choose»» qui lui n’a pas d’équivalent au Journal officiel, a expliqué a l’audience Nicolas Bacaer, de l’Association Francophonie Avenir (A-FR-AV).

La situation pourrait changer, puisque, selon les mots mêmes du rapporteur public, la Commission d’enrichissement de la langue française a publié une déclaration invitant à se référer à tout le dictionnaire de l’Académie pour rechercher l’équivalent d’un mot français, et non plus seulement à ses seuls travaux.

Le rapporteur public a estimé qu’il était impossible de prendre en compte cette déclaration de juillet 2021 pour des appellations comme le «French Data Hub», «Next 40» ou «French Tech», toutes créées avant cette date.

Mais Nicolas Bacaer espère bien obtenir gain de cause pour des marques créées après cette date. «Il y aura d’autres affaires» a-t-il prévenu à l’audience.