Gus Van Sant, l’électron libre du cinéma américain

Gus Van Sant, qui effectue à Venise son retour après 7 ans d’absence des écrans, a toujours été un électron libre du cinéma américain. Inclassable, plus en vogue en Europe qu’aux Etats-Unis, le réalisateur de 73 ans a navigué entre cinéma indépendant et Hollywood, fidèle au style expérimental de ses débuts tout en conquérant le grand public. Son oeuvre fait une large place aux marginaux, aux jeunes, à l’errance et à la mort. Les thèmes de l’identité et de l’origine sont omniprésents chez ses personnages, décryptant une Amérique que ce natif du Kentucky, fils de commis voyageur, a beaucoup sillonnée enfant.

– «My Own Private Idaho» (1991) : Le cinéaste marqué par le mouvement beatnik attire l’attention dès ses 1ers films: «Mala Noche» (1985) et surtout «Drugstore Cowboy» (1990), avec Matt Dillon. Il acquiert à la quarantaine une nouvelle dimension avec «My Own Private Idaho», film culte de la culture queer. Revisitant «Henri IV» de Shakespeare, il filme 2 jeunes tapins toxicomanes embarqués dans un road-trip et un amour impossible. L’un (River Phoenix) est homosexuel, souffre de narcolepsie et recherche sa mère, l’autre (Keanu Reeves) hétérosexuel, fils de notable en rupture avec son père. River Phoenix, primé à Venise, devient une figure à la James Dean et mourra aussi prématurément.

– «Prête à tout» (1995) : Après le fiasco d’«Even Cowgirls Get the Blues», il rejoint Hollywood, acceptant des films de commande et visant un public plus large. Il adapte le roman de Joyce Maynard et en fait une satire pétillante de l’Amérique. L’histoire d’une présentatrice météo dévorée par l’ambition, arriviste exaltée littéralement prête à tout pour devenir une vedette. Premier grand rôle pour Nicole Kidman qui rafle un Golden Globe.

– «Will Hunting» (1997) : Sur un scénario des deux acteurs principaux, Matt Damon et Ben Affleck, il filme l’amitié et la rédemption par l’éducation. Un rebelle impulsif qui s’avère être un génie des maths mène une vie de petit délinquant jusqu’à ce qu’un prof d’université (Robin Williams) mise sur son talent. Succès critique et commercial planétaire (100 millions de dollars au box-office) et 9 nominations aux Oscars. La paire Damon-Affleck remporte la statuette du meilleur scénario et accède au statut de star. Et Van Sant est désormais un cinéaste puissant et populaire.

– «Elephant» (2003) : Retour au cinéma indépendant. Avec ce 2nd opus de sa «trilogie de la mort», entre «Gerry» et «Last Days», il signe un film coup de poing, lent et sinueux, considéré comme son chef d’oeuvre. S’inspirant librement de la tuerie du lycée de Columbine perpétrée par deux élèves, il s’appuie sur des comédiens non professionnels pour raconter, en longs plans séquences et entre deux sonates de Beethoven, une journée banale basculant dans le fait divers. D’abord conçu comme un téléfilm pour HBO, le long-métrage, resté confidentiel aux Etats-Unis, se retrouve en compétition à Cannes. Il décroche la Palme d’or et le prix de la mise en scène.

– «Harvey Milk» (2008) : Nouveau tournant. Avec un biopic retraçant le parcours et le combat politique à San Francisco d’Harvey Milk, pionnier des droits LGBT+ assassiné en 1978. En gestation depuis des années, le projet lui tenait à coeur. «C’est le premier film hollywoodien grand public où le personnage est gay sans s’excuser de l’être. Peut-être le 1er film sur les droits des gays», dit Van Sant qui n’a jamais caché son homosexualité. Enorme succès. Il reconquiert l’Amérique, est nommé aux Oscars comme meilleur réalisateur et Sean Penn est sacré meilleur acteur pour la deuxième fois.

– «Promised Land» (2012) : Lui qui a toujours aimé les films politiques revisite le cinéma engagé avec un sujet d’actualité sur fond de crise financière: l’exploitation du gaz de schiste et ses conséquences environnementales. Matt Damon incarne à nouveau le rôle phare dans cette plongée dans l’Amérique rurale.