Henri Garcin, le flegmatique acteur et metteur en scène, toujours à l’aise dans les rôles d’anti-héros

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Il a toujours préféré le théâtre au cinéma et à la télévision. Mais pour le grand public, le flegmatique Henri Garcin, acteur et metteur en scène décédé à l’âge de 94 ans, reste avant tout le voisin pique-assiette de «Maguy», la première grande sitcom française.

Séducteur dépassé de Catherine Deneuve dans «La Vie de château» (1966) de Rappeneau, gangster partenaire de Mireille Darc dans «Fleur d’oseille» (1967) de Lautner ou encore bourgeois trompé par Fanny Ardant dans «La Femme d’à côté» (1981) de Truffaut… Il a traversé des décennies de cinéma, toujours à l’aise dans les rôles d’anti-héros. «Si mes origines hollandaises apportent quelque chose à mon jeu, je pense que c’est le flegme, une distance qui m’est naturelle et apporte des nuances parfois insolites dans mon interprétation, très peu latine», résumait-il en 1997 dans «Le Figaro». De fait, Henri Garcin – de son vrai nom Anton Albers – voit le jour le 11 avril 1928 à Anvers (Belgique), dans une famille aisée d’industriels d’origine hollandaise. Il passe son enfance à Bruxelles et dit devoir sa vocation à son père qui «racontait ses conseils d’administration avec une verve et un humour que n’eût pas désavoué le meilleur comédien». Il débarque donc à Paris à 20 ans et se forme au cours Dullin. Il s’emploie aussi à gommer son accent, à couper au couteau, et gardera de ses efforts une diction assez lente. Avant de se lancer à l’assaut des cabarets, avec un sketch qu’il écrit. C’est là qu’il croise Jacques Brel, venu lui aussi de Belgique, Barbara, Serge Gainsbourg et se lie d’une grande amitié avec un autre «métèque» qui devient vite célèbre, Georges Moustaki. Sa passion, c’est d’abord le théâtre. «Le cinéma, c’est très ennuyeux sauf pour les vedettes et le chef opérateur. Alors que le théâtre, on est devant le public, on doit le tenir…». Pendant plus de 50 ans, il joue d’innombrables pièces, dans des registres très variés (Feydeau, Shaw, Pirandello, Poiret, Albee…). Il écrit même une première oeuvre, «L’Echappée belle» (1964), avec Romain Bouteille, qui connaît un grand succès au Théâtre La Bruyère, avec 250 représentations. En 1969, sa comédie «Quelque chose comme Glenariff», est jouée aux Mathurins. Dans le public, François Truffaut est subjugué par son jeu. Et lui écrit le lendemain, enthousiaste: «Mon cher ami, je suis plein d’admiration pour vous (…) J’ai eu la preuve qu’une pièce peut se conduire, se mener, se jouer, se rythmer comme un film et même comme un très bon film».

Douze ans plus tard, le réalisateur de la Nouvelle vague n’a pas oublié l’acteur au regard clair souvent caché derrière des lunettes à monture d’écaille. Il lui offre l’un de ses plus beaux rôles au cinéma, celui du mari trahi dans «La Femme d’à côté». Dans les années 1980, le comédien prend encore une nouvelle dimension en s’invitant le dimanche chez les Français, dans «Maguy», une série télévisée inspirée de la sitcom américaine «Maude». 333 épisodes, un succès énorme pour cette comédie diffusée entre 1985 et 1994 et qui réunit jusqu’à 7 millions de téléspectateurs. Garcin y joue un médecin gandin, ami du couple Rosy Varte/Jean-Marc Thibault. Le comédien faisait souvent la fine bouche quand on lui parlait de cette série, assurant dans ses mémoires que ce succès populaire l’avait «un peu éloigné du cinéma».