Internet/ L’information mise à mal par la crise en Catalogne

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La crise entre les indépendantistes catalans et Madrid a vu la prolifération d’intox sur les réseaux sociaux et mis en évidence le fossé qui sépare les médias catalans de ceux du reste de l’Espagne. Une femme aux doigts brisés par un policier qui tentait de l’empêcher de voter, un policier mort en mission en Catalogne, le président séparatiste catalan Carles Puigdemont qui chante «Viva España», le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker qui téléphone à Puigdemont… Ces informations ont été partagées des milliers de fois sur Twitter, Facebook ou WhatsApp. Elles ont un point commun: elles étaient toutes fausses. La femme aux «doigts brisés» a ensuite reconnu sur la télévision catalane TV3 que les médecins lui avaient dit qu’elle n’avait qu’une inflammation des cartilages. «En Espagne, nous n’avions jamais vu cela jusqu’à maintenant», avec l’intensification de la crise entre Barcelone et Madrid, affirme Clara Jiménez, journaliste chargée d’un compte Twitter, «Maldito Bulo» (Maudite intox), qui fait référence en Espagne en termes de vérification de l’information sur Internet. Elle date le début de cette déferlante à quelques jours avant le 1er octobre, jour du référendum d’autodétermination organisé par le gouvernement indépendantiste catalan malgré son interdiction, et émaillé de violences policières. Des images et témoignages de blessés, vrais ou faux, ont alors fait le tour du monde. Une enquête de la chaîne de télévision privée La Sexta a montré que beaucoup des images de blessés avaient été prises dans d’autres manifestations, y compris lors d’une grève de mineurs dans les Asturies en 2015. «Ce qui vous touche au coeur constitue un terreau parfait pour les fausses informations», dit Clara Jiménez sur ce débat entre indépendantistes et unionistes qui divise profondément la Catalogne et l’Espagne. «Les gens voient ce qu’ils veulent voir, et ils y croient. Ils ne le mettent pas en doute car il y a une dimension sentimentale». Le gouvernement catalan a avancé un chiffre de près de 900 personnes ayant reçu une «attention médicale» suite aux charges policières. Un chiffre transformé en «900 blessés» par certains indépendantistes et vivement contesté par les partisans du gouvernement central, qui soulignaient que deux jours après les heurts, seules deux personnes étaient encore hospitalisées. «Tous les gens qui ont reçu un coup ont été comptés comme blessés», affirme le politologue catalan Gabriel Colomé. «C’est évident que (les independantistes) voulaient cette image de violence. (…) Comme médiatiquement, vous avez déjà gagné la bataille, vous pouvez dire qu’il y en a plus de 800, personne ne va venir le contester». «C’est une bataille de post-vérité, littéralement», dit-il. De plus, selon que les évènements sont racontés à Barcelone ou Madrid, ils peuvent l’être d’une manière totalement différente. «La télévision espagnole et la télévision catalane donnent l’impression d’être dans deux mondes différents», constate Carlos Arcila, professeur de communication audiovisuelle à l’université de Salamanque. Le jour du vote, la chaîne TV3 dépendant du gouvernement catalan ouvrait sa soirée spéciale avec les déclarations du gouvernement espagnol louant le «professionnalisme» des forces de l’ordre, immédiatement suivies des images les plus brutales des charges policières. A la mi-journée, ces violences étaient absentes des titres du journal télévisé de la chaîne publique espagnole TVE. Les journalistes en Catalogne de TVE ont dénoncé, le lendemain dans un communiqué, la «manipulation indigne et la censure des évènements», affirmant avoir été «écartés des informations relatives au processus catalan, avec des indications constantes sur comment rédiger les informations». Le journal «El Pais», très critique envers les indépendantistes, a en outre affirmé que les médias russes RT et Sputnik s’étaient impliqués dans la question catalane pour déstabiliser, des accusations difficiles à confirmer.