La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a appelé jeudi le gouvernement à réagir face au racisme et à l’antisémitisme qui essaiment sur internet et nourrissent de plus en plus d’affaires. «Il est important de pouvoir mieux lutter» contre «le racisme et l’antisémitisme», très présents dans les «discours haineux véhiculés sur internet», souligne la CNCDH dans son rapport annuel sur l’«état des lieux» du racisme en France, remis jeudi à Matignon. «Cela représente parfois plusieurs centaines de messages par jour» sur les réseaux sociaux, a expliqué le président de la commission, Jean-Marie Burguburu. La CNCDH appelle pour cela l’Etat à créer une nouvelle instance indépendante de régulation d’internet en France, chargée notamment de prévenir les propos haineux et d’imposer des obligations (aux plateformes internet). «Ce pourrait être une nouvelle section du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)», avance M. Burguburu. La CNCDH réclame également au gouvernement un «plan d’action national pour l’éducation et la citoyenneté numériques». Son rapport est publié au lendemain du jugement dans l’affaire Mila, dans lequel 11 jeunes gens ont été condamnés à des peines de 4 à 6 mois de prison avec sursis pour cyberharcèlement, salué comme une étape importante dans la lutte contre le «lynchage 2.0». Mardi également, le parquet de Paris avait annoncé enquêter sur des tweets racistes visant certains footballeurs de l’équipe de France après leur élimination de l’Euro. L’un, très relayé et commenté sur le réseau social, traitait notamment Kylian Mbappé, dont le tir au but manqué face à la Suisse a précipité la défaite des Bleus, de «sale nègre» qui «mérite de se prendre une centaine de coups de fouet et de se faire revendre en Libye». Ces mots, photos ou vidéos racistes ou antisémites postés par des «anonymes» peuvent devenir «viraux» au fil de la «multiplication des connections» et «avoir de graves conséquences sur la vie des personnes qui les subissent», souligne la CNCDH. Les médias en ligne ne sont pas les seuls concernés: la CNCDH appelle également les médias traditionnels à «ne pas contribuer à la transmission de clichés et de stéréotypes racistes», eux qui doivent en principe «les dénoncer». D’une manière générale, «la tolérance envers les minorités continue de progresser» d’année en année en France, souligne toutefois la CNCDH. Mais «certains préjugés» racistes ou xénophobes «restent très présents» en France, même s’ils reculent d’année en année. Parmi les plus vivaces, 72% des personnes interrogées pensent que «de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale», 59% que «l’islam est une menace contre l’identité de la France» et 58% que «les Roms vivent essentiellement de vols et de trafics». En 2019, selon ce baromètre, les Roms étaient de loin la minorité la moins tolérée (36%), loin derrière les Maghrébins (72%) et les noirs et les juifs (79%). Les faits racistes, antisémites ou xénophobes restent largement sous-déclarés, note la CNCDH: alors que 1,2 million de personnes disaient en avoir été victimes en 2018, l’année suivante on ne comptait que 7.283 affaires transmises à la justice, pour 843 condamnations. Ce «chiffre noir» s’explique notamment par la réticence des victimes à porter plainte (seules 2% le font), faute de pouvoir prouver les faits, mais également par leur «peur de l’accueil» réservé au commissariat ou à la gendarmerie, souligne-t-elle. La CNCDH appelle donc l’Etat à «mieux former» les policiers et gendarmes aux questions liées au racisme pour permettre aux victimes d’«aller au bout» de leurs démarches.