Face à l’accélération fulgurante des progrès de la science et de la technologie, un organisme gouvernemental suisse s’efforce d’anticiper les développements à venir, surtout en matière d’intelligence artificielle et d’informatique quantique, afin de donner aux entreprises et au pays le temps de s’y adapter.
Depuis la mise en ligne de ChatGPT en novembre 2022, les décideurs politiques s’efforcent de déterminer comment maîtriser les technologies issues de l’IA, et même si c’est possible. En mars, le Parlement européen a adopté les règles les plus ambitieuses au monde en la matière, mais il n’est pas certain que ce texte adopté à la hâte suffira à protéger personnes et institutions. La Geneva Science and Diplomacy Anticipator Foundation (GESDA), présidée par Peter Brabeck-Letmathe, ancien dirigeant du géant suisse de l’alimentation Nestlé, a été fondée il y a cinq ans par le gouvernement suisse pour conseiller les décideurs sur ces évolutions révolutionnaires. Selon M. Brabeck-Letmathe, la mise en accès libre de puissants logiciels d’IA a été trop soudaine. «L’IA a été trop rapide», a-t-expliqué lors d’un récent entretien. «Le temps que nous l’identifiions, elle était déjà presque sur le marché (…) Cela montre à quel point l’anticipation est cruciale, la véritable anticipation».
Informatique quantique : L’un des objectifs de la fondation est de garantir que Genève, qui abrite le siège européen des Nations unies et de nombreuses institutions internationales fondées après la Seconde Guerre mondiale, demeure un important centre diplomatique.
En mettant l’accent sur la diplomatie scientifique, alimentée par l’anticipation, la GESDA peut contribuer à faire en sorte que «Genève continue à l’avenir d’être un centre de multilatéralisme», assure M. Brabeck-Letmathe. Tout en admettant que la fondation a été établie trop tard pour anticiper pleinement les révolutions que va engendrer l’IA, il assure qu’elle est en revanche bien positionnée pour affronter le prochain bouleversement technologique: l’informatique quantique. Cette technologie, dont les premières applications commerciales sont attendues dans une dizaine d’années, «peut potentiellement presque tout changer», prévient-il. Afin de dresser la carte des principaux développements technologiques à venir, la GESDA pose à des milliers de scientifiques, dans tous les grands laboratoires mondiaux, la question suivante: «Qu’est-ce qui se prépare?» Les membres de la GESDA se sont ensuite tournés vers les diplomates et leur ont demandé: «Quel est le cadre dont nous avons besoin pour que ces innovations soient davantage consacrées au bien qu’au mal ?» Parmi les questions cruciales qui vont être soulevées dans les années à venir figure celle-ci, a-t-il ajouté: que signifie être un humain à l’ère des avatars et de l’humanité augmentée ? Les technologies d’amélioration des capacités humaines sont prometteuses, notamment pour venir en aide aux personnes atteintes de maladies dégénératives telles que Parkinson. «Mais une fois que l’on a une puce dans le cerveau, la question est de savoir ce que l’on peut programmer avec cette puce ?», demande-t-il. «Cela nécessitera une réflexion approfondie».
