La web-fiction frappe aux portes des chaînes de télévision

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    La web-fiction, genre à l’origine uniquement destiné à être diffusé sur Internet, rencontre un succès grandissant auprès des jeunes, suscitant l’intérêt des chaînes de télévision désireuses de capter de nouveaux téléspectateurs. Signe des temps, quatre web-fictions sont en compétition au festival de la fiction TV de la Rochelle qui se termine dimanche, à côté de genres classiques comme les téléfilms ou les séries. Alors que la fiction française «classique» peine à conquérir les jeunes, les organisateurs expliquent l’intégration de ce nouveau-né par les modes de consommation contemporains. «C’est par les web-épisodes que nous gagnerons des publics jeunes pour qui la télévision n’est qu’un média parmi d’autres», estime le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand. Aux Etats-Unis, la web-fiction est déjà très développée. La première a vu le jour dès 1995, avec «The Spot». A une époque où les blogs n’existaient pas encore, il s’agissait d’un portail où les héros de la série tenaient un journal quotidien, répondaient aux mails, postaient des photos et des vidéos. Le genre a évolué depuis. Souvent humoristiques, les web-fictions sont actuellement de véritables films, courts pour des raisons économiques (trois à cinq minutes), renvoyant dans l’idéal à la série suivante. Pour l’heure, la gratuité est de mise. A l’image du genre, les quatre séries présentées à la Rochelle («Bonobobos», «L’histoire racontée par des chaussettes», «Le conseil du jour» et «Kaira shopping») sont très drôles, quelquefois saturés de gros mots et surtout sans tabous. «La web-fiction jouit d’une plus grande liberté de ton et de moins de censures que la télévision», explique Alain Degove, producteur présentant les «Bobonobos» -contraction de bonobos, ces singes qui règlent leurs problèmes par la sexualité, et de «bobos»-, une «comédie des moeurs». Internet permet à ces séries d’être visionnées par des millions de personnes, mais le modèle économique n’est pas encore trouvé. «Le mode de financement n’est pas arrêté. On peut éventuellement évoquer le financement par une marque, mais il est important de rester indépendant», relève Cécilia Ragueneau, directrice des nouveaux contenus chez Canal+. La chaîne va produire au moins deux web-séries. Avant de lancer un projet de web-fiction, la maison de production Endemol France cherche d’abord un annonceur pour le financer, explique de son côté Frédérique Micouleau, sa directrice en charge de la stratégie marketing et nouveaux médias. La web-série «Cell» d’Endemol, qui a rencontré un grand succès en Grande-Bretagne et en France, était financée par une marque de téléphone mobile. «Une des voies de financement possibles est la diffusion à la télévision», estime Timothy Duquesne, producteur de la web-série «Le conseil du jour». Cet avis est partagé par la plupart des producteurs mais pour l’heure, le seul transfert réussi d’une web-fiction à la télévision en France reste «Les têtes à claques», sur Canal+. Si les chaînes se montrent frileuses en raison de l’absence de modèle économique, toutes ont des projets, plus ou moins avancés. «Il existe une audience purement web à laquelle nous devons nous adresser avec des produits spéciaux et de qualité. La web-fiction est encore au stade balbutiant, mais il est impératif d’avoir une offre pour l’internaute», relève Joël Ronez, responsable du pôle web chez Arte. La chaîne va diffuser une web-fiction début 2011.