Le Royaume-Uni a dit non, l’UE a dit oui et les Etats-Unis tentent à nouveau de s’y opposer: l’acquisition à 68,7 milliards de dollars d’Activision Blizzard par Microsoft ne semble toujours pas près d’aboutir, un an et demi après avoir été annoncée. L’autorité américaine de la concurrence, la FTC, a demandé lundi à un tribunal fédéral de San Francisco de suspendre temporairement l’opération, d’après le référé. La CE a approuvé le mois dernier cette transaction qui ferait du géant de l’informatique le 3ème acteur mondial des jeux vidéo, alors que leur homologue britannique a mis son veto au nom de la concurrence sur le marché des jeux dématérialisés (cloud gaming). La FTC avait déjà lancé une procédure administrative pour déterminer les risques liés à ce rachat, et une audience est prévue début août, mais des articles de presse ont circulé «suggérant que (Microsoft et Activision) envisageaient sérieusement de finaliser l’acquisition» malgré cette procédure et l’interdiction de la CMA, l’autorité britannique. «L’opération proposée permettrait à Microsoft de continuer à prendre le contrôle de jeux vidéo de grande valeur», argumente la FTC. «En contrôlant les contenus d’Activision, Microsoft pourrait, et aurait intérêt à retenir ces contenus, ou à en diminuer la qualité d’une façon qui affaiblirait la concurrence, y compris en termes de qualité, de prix et d’innovation», estime l’agence fédérale. Microsoft, qui commercialise les consoles Xbox depuis plus de 20 ans et possède de nombreux studios, assure que cette acquisition apporterait au contraire plus de choix sur le marché des jeux vidéo. L’intervention de la FTC «devrait accélérer le processus», a réagi Brad Smith, le président de la firme de Redmond, sur Twitter lundi. Bobby Kotick, le DG d’Activision Blizzard, a aussi dit «accueillir positivement» ce rebondissement qui va permettre de «faire avancer» les choses, d’après un email aux salariés. L’éditeur détient plusieurs titres phénomènes, auxquels jouent des dizaines de millions de personnes, du jeu de tir «Call of Duty» aux lignes de bonbons à exploser sur le fameux «Candy Crush», et à «Overwatch» qui a un championnat d’esport dédié, la Overwatch League. Selon le patron, la fusion serait bénéfique pour des centaines de millions de joueurs, pour les employés américains et pour les actionnaires. Elle «permet à deux entreprises américaines de mieux faire concurrence aux rivaux internationaux qui dominent l’industrie dans le monde», a-t-il précisé. Tencent et Sony règnent sur ce marché en Asie et au-delà grâce notamment à Riot Games, l’éditeur du succès planétaire «League of Legends», pour le géant chinois, les consoles PlayStation pour la firme japonaise. Sony s’était inquiété de se voir refuser l’accès aux grands succès d’Activision Blizzard. Mais selon la Commission européenne, «Microsoft n’aurait aucun intérêt à refuser de distribuer les jeux d’Activision à Sony, qui est le principal distributeur mondial de jeux pour consoles». Les régulateurs s’inquiètent surtout pour le marché en plein essor du cloud gaming, des jeux dématérialisés accessibles en streaming indifféremment sur tablette, smartphone ou ordinateur. Mais l’UE a accepté les solutions proposées par Microsoft. Le groupe américain a prévu d’accorder des licences gratuites aux consommateurs pour les jeux actuels et futurs d’Activision Blizzard leur permettant de jouer sur tout appareil, peu importe le système d’exploitation, pour une durée de 10 ans. Avec sa demande de lundi, la FTC espère qu’un juge va interdire aux 2 sociétés américaines de finaliser le rachat avant que la procédure judiciaire n’aboutisse. «Si la transaction a lieu, ce sera la plus importante de l’histoire de l’industrie des jeux vidéo et aussi de l’histoire de Microsoft», a souligné la FTC.