«Le jeu de la mort», un cri d’alarme sur le pouvoir de la télévision

    «Le jeu de la mort», documentaire sur le pouvoir de la télévision diffusé en mars sur France 2, transpose à l’écran l’expérience de Milgram menée en 1963 pour décrypter les mécanismes de l’obéissance. Stanley Milgram, chercheur en psychologie sociale à Yale, cherchait à expliquer pourquoi des hommes avaient obéi aux Nazis. Il a monté une expérience mettant l’individu face à une autorité jugée légitime, en l’occurrence la science. Des volontaires de 20 à 50 ans furent recrutés par petites annonces. L’expérience consistait à retenir une liste de mots en une minute. A chaque mauvaise réponse, une personne (un acteur) recevait une décharge de plus en plus violente. La fausse victime eut beau hurler, 62,5% des candidats ont mené l’expérience jusqu’au bout (450 volts). Tous ont pourtant essayé d’y mettre fin, sans y arriver. Dans le «Jeu de la mort», les questionneurs réagissent de manière similaire: «C’est inhumain», «Ça ne me fait pas plaisir», disent-ils tout en envoyant la décharge. «Il y a un décalage entre ce qu’ils pensent et ce qu’ils font», explique Dominique Oberlé, professeur en psychologie sociale. Cela s’appelle «l’état agentique», qui met en position d’agent d’exécution. «La personne se considère comme un agent quand elle est face à quelqu’un d’un statut supérieur, même si elle n’est pas d’accord. Sa pensée est obturée», ajoute cette chercheuse. «C’est très difficile de sortir d’un contexte. Savoir dire non ne s’improvise pas: personne ne naît résistant ou obéissant dès la naissance», dit Christophe Nick, l’auteur. Il a eu l’idée du «Jeu de la mort» en tournant un documentaire sur la Résistance.