L’égalité du temps de parole, un casse-tête récurrent pour les TV et radios

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    Le principe d’égalité édicté par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pour la campagne présidentielle oblige radios et télévisions à donner le même temps de parole aux douze candidats, un vrai casse-tête pour les journalistes qui jouent le jeu du pluralisme mais en arrivent parfois à des bizarreries éditoriales. Du 1er décembre au 20 mars, le Conseil supérieur de l’audiovisuel recommandait de respecter le principe d’équité, en fonction de la représentativité des candidats, ce qui laissait aux médias une certaine marge d’apréciation. Depuis le 20 mars, la haute autorité audiovisuelle impose une stricte égalité arithmétique du temps de parole, qui comprend toutes les interventions des présidentiables et de leurs soutiens, directement à l’antenne ou dans un reportage. Et chaque minute consacrée à l’un doit être compensée pour les onze autres. Dans les rédactions, rôdées à l’exercice, cela implique une discipline de fer: «C’est un énorme boulot d’organisation. On a embauché un CDD pour chronométrer», raconte Frédéric Wittner, directeur de la rédaction de France Info. Pour la chaîne d’information i-TELE, c’est aussi «un terrible casse-tête» sur lequel quatre personnes planchent quasiment à temps plein, explique sa directrice générale, Valérie Lecasble.Chronomètre en mains, les rédacteurs en chef donnent des consignes à leurs équipes au vu des tableaux remplis au fur et à mesure, une démarche bien acceptée d’un point de vue citoyen mais qui va parfois à l’encontre du journalisme. «Depuis le 20 mars, Ségolène Royal a eu le plus de temps, je ne vais plus pouvoir en passer d’ici vendredi… Par contre il me reste 10 minutes pour Frédéric Nihous (Chasse, pêche, nature et tradition). Parfois on se croirait chez l’épicier», confie Marc Tronchot, directeur adjoint de la rédaction d’Europe 1, un brin agacé. «Toute l’actualité n’est pas programmable mathématiquement… Politiquement c’est justifié. Editorialement, c’est compliqué, voire absurde», renchérit Jérôme Bureau, directeur de l’information de M6. Les petits candidats, notamment les quatre d’extrême gauche, bénéficient ainsi d’une représentation sans rapport avec l’équilibre politique réel. «Ca donne une couleur un peu bizarre aux journaux… L’autre soir au 20 heures, on a entendu deux fois l’Internationale», sourit François Bachy, du service politique de TF1, qui juge la règle d’égalité «parfaitement normale». Ces petits candidats ont peu de moyens, donc moins de «soutiens». De fait, télés et radios courent après l’altermondialiste José Bové, Gérard Schivardi (Parti des travailleurs) ou Frédéric Nihous. «Du coup, on va avoir six heures de Schivardi, ça va sembler répétitif, alors que pour l’UMP et le PS, les interlocuteurs sont plus variés», fait valoir Valérie Lecasble. En termes d’images, les petits candidats offrent également une matière plus limitée puisqu’ils font moins de déplacements. «On essaie de trouver des accroches… Pour Nihous on a fait un sujet sur le tournage de sa campagne», explique Gilles Leclerc, chef du service France à France 2. Au CSA, on affirme que les médias ont intégré dans un «grand esprit de responsabilité» la recommandation. A partir du 9 avril, ouverture de la campagne officielle, les rédactions devront redoubler de vigilance pour appliquer aussi l’égalité du «temps d’antenne», qui comprend l’ensemble des éléments éditoriaux, et prend également en compte l’horaire des programmations.