Les jeunes se désintéressent-ils du football ?

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«Netflix, l’esport et les réseaux sociaux leur prennent du «temps de passion disponible»», s’inquiètent de nombreux acteurs du monde du ballon rond, qui voient s’éloigner les téléspectateurs de demain en pleine crise du modèle économique du foot. «La bataille de l’attention» a commencé, synthétise Christophe Lepetit, du Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges. Cette relative désaffection «est un problème» pour le Barcelonais Gerard Piqué, encore joueur et déjà homme d’affaires dans le spectacle sportif. «Cette génération a du mal à rester concentrée durant les 90’ d’un match, avec Internet, les réseaux sociaux…» assure le Catalan, or ce public est «la clef pour le futur de notre sport». La «génération Z» (née entre 1996 et 2012) consomme deux fois moins de sport sur le petit écran que les Millenials. Dans cette génération précédente (1981-1996), qui a fait exploser le marché du sport à la TV, 15% regardent du sport tous les jours, contre 8% des «Gen Z», selon une étude Morning Consult de septembre 2020. Selon le cabinet italien Stageup, la part des 14-34 ans qui regardaient la Serie A chaque semaine est passée de 44% pour la saison 2001-2002 à 35% pour celle en cours. Arnaud Simon, patron de l’agence In&Out Stories qui conseille les détenteurs de droits TV sportifs, voit plusieurs raisons à cet éloignement des jeunes. «Ils sont très sollicités. Netflix, l’esport et les réseaux sociaux leur prennent du «temps de passion disponible». Et les confinements ont provoqué une accélération de ces consommations», estime-t-il. «Si en plus les matches appartiennent à un nouvel acteur peu visible comme Téléfoot en France, vous accentuez cette sortie du radar», ajoute M. Simon. Et «il n’y a plus de transmission de passion aussi évidente entre les générations». Le foot, comme les autres sports pros, se retrouve face à «la nécessité de renouveler la base d’audience», et doit pour cela «très urgemment trouver des contenus adaptés», estime Christophe Lepetit. «Il faut anticiper, commencer à aller sur des marchés tests, comme l’OM sur Twitch», poursuit l’économiste. L’Olympique de Marseille, justement, cherche à «s’adapter à cette nouvelle génération et ses façons de consommer, avec double voire triple écran», développe le «Head of business», Hugues Ouvrard. Le dirigeant n’est «pas préoccupé, mais vigilant» face au problème. «Dire que comme ils regardent moins, ils aiment moins le foot, pour moi c’est un raccourci. Je ne pense pas qu’une frange de la jeunesse s’éloigne du foot mais plutôt qu’elle est un peu moins exclusive», nuance-t-il. «Le foot était roi, aujourd’hui il est un peu moins roi, il faut composer avec les autres capteurs d’attention et même les utiliser comme des leviers», propose Ouvrard. L’OM développe notamment sa chaîne Twitch, et se félicite que sur les 100 meilleurs audiences de Twitch en 2020, si 98 sont liées au «gaming», les deux autres sont deux matches amicaux de l’OM diffusés cet été en direct, avec 266.000 téléspectateurs uniques, et un pic à 100.000 téléspectateurs», précise le club. L’OM fait beaucoup pour toucher la «Gen Z», avec le lancement de son label de musiques urbaines OM Records, des présentations de joueurs très léchées sur les réseaux sociaux, un partenariat avec Grizi Esport, le club d’esport des frères Griezmann…En Angleterre, Manchester City mène une stratégie semblable en s’associant au FaZe Clan, l’un des plus grands clubs d’esport, par l’intermédiaire de Nate Hill, champion de Fortnite et fan du club. Le co-président de Saint-Étienne, Bernard Caïazzo, assure être prêt «à s’adapter» mais «ne pense pas que la passion du foot puisse évoluer». «Et puis les inquiétudes, ce n’est pas ça qui manque dans le foot en ce moment, avec les stades vides et les droits télés», poursuit-il. Pierre Maës, consultant et auteur de «Le business des droits TV du foot» (FYP), reste aussi optimiste. «On n’a pas constaté que ManU vendait moins de maillots aux jeunes, et si vous me dites qu’ils achètent le maillot mais ne regardent pas les matches…».