Pléthore de chaînes télévisées et de journaux, piratage massif de programmes, diffamation, rumeurs et collusions avec les partis politiques: la presse qui a fleuri en Mongolie depuis la démocratisation et la levée de la censure oscille entre jungle et Far West. Mais de cette pittoresque pagaille commencent à émerger, près de 20 ans après l’émancipation de cet ancien satellite soviétique, des signes encourageants: future loi sur les médias et patrons de presse plus soucieux d’éthique. Avec des hivers parmi les plus longs et rigoureux de la planète et un chômage élevé, les Mongols sont de grands consommateurs de télévision. Et de journaux aussi, grâce à un taux d’alphabétisation remarquable (97%) pour un pays dont la moitié des habitants reste nomade ou semi-nomade et un tiers vit sous le seuil de pauvreté. Mais l’offre est démesurée pour une population de seulement 2,9 millions d’habitants, estiment unanimement les patrons de presse interrogés à Oulan-Bator. «On a 500 périodiques enregistrés, dont 100 sont effectivement publiés, alors que le Japon en a 300 pour 120 millions d’habitants!», s’exclame Sh. Davaadorj, rédacteur en chef adjoint du groupe Mongol News Co. «Tous les jours 12 quotidiens sortent en Mongolie!». «Quant aux télévisions, on en a plus de 20. On a bien trop de télévisions et bien trop de journaux!», dit M. Davaadorj. Batbaatar Sodnomdarjaa, également rédacteur en chef adjoint du même groupe, déplore, lui, l’implication massive des partis politiques dans les médias mongols. «Notre plus grand problème ici, c’est que la plupart des journalistes sont mal payés et les médias en difficulté financière. Les hommes politiques versent de l’argent pour faire publier des informations», dit-il. «La plupart des chaînes de télé appartiennent à des politiciens et ont été lancées pour l’heure de propagande des infos du soir», confirme Ben Moyle, Directeur de C1 Television. «Beaucoup des infos sont «fabriquées» en période électorale», lorsque sont lancées de nouvelles stations, ajoute le Britannique. Et les journaux ne font pas non plus le meilleur usage de la toute nouvelle liberté d’expression, publiant rumeurs et calomnies. Le piratage généralisé est une autre plaie des médias mongols. Non seulement les journaux se volent des photos les uns aux autres, mais les chaînes de télé siphonnnent allègrement les programmes de la BBC, d’Eurosport, des chaînes russes ou de la CCTV chinoise, les séries sud-coréennes et les films de Hollywood. «C’est très facile de monter une télé», explique M. Moyle. «On peut remplir des camions de DVD, de programmes des Etats-Unis ou de Corée du Sud (ndlr: où vit une large communauté mongole) et tout rediffuser gratuitement». Les télés «mettent dessus une voix-off en mongol, et elles font un tabac!», dit-il. C’est ainsi que la Mongolie s’est retrouvée avec 16 chaînes ayant une licence et beaucoup d’autres encore sur le câble – aucune licence requise – pouvant fonctionner avec un budget et des effectifs lilliputiens. Mais fin septembre, les députés doivent se pencher sur une loi qui s’intéressera notamment à la propriété intellectuelle et pourrait être, pour M. Moyle, «un pas dans la bonne direction» dans cette jungle où les médias n’ont aucun ministère de tutelle.Le piratage «fait du mal à tout l’audiovisuel», conclut M. Moyle, qui explique que C1 est la seule chaîne à respecter la propriété intellectuelle avec la dernière née, Mongol TV. L. Chinbat, devenu l’une des plus grosses fortunes de Mongolie grâce aux mines d’or, vient de couper le ruban rouge à la cérémonie de lancement de Mongol TV, en présence de 70 invités, dont un très imposant champion national de sumo. «On n’a pas peur de la concurrence», assure-t-il. «La nouvelle loi va changer les choses. Notre arme, ce sera l’information: des faits et de la qualité».