Les réseaux sociaux veulent impliquer les parents dans la surveillance de leur progéniture en ligne

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Avec des réglages toujours plus fins, les réseaux sociaux veulent impliquer les parents dans la surveillance de leur progéniture en ligne, mais la tâche, fastidieuse et imparfaite, ne saurait combler les failles de la modération des contenus. TikTok, l’une des applications préférées des plus jeunes, a annoncé mardi une mise à jour du «Mode Connexion Famille», avec la possibilité de bloquer des mots ou des hashtags. Depuis que son audience a explosé pendant les confinements liés à la pandémie de Covid-19, le réseau social d’origine chinoise tente de rassurer sur ses efforts pour limiter la circulation des contenus nocifs, alors que de nombreux médias ont révélés des manquements dans la modération, qui laissait passer des contenus sexuels ou promouvant la consommation de drogue. Presque tous les réseaux sociaux, ainsi que Google et Apple, ont lancé ces dernières années des outils d’auto-contrôle censés répondre aux critiques sur l’addiction provoquée par ces plateformes, une approche considérée comme favorisant le bien-être numérique. Désormais, ils tentent également d’impliquer les parents en leur proposant des formations à ces outils de contrôle parental plus avancés. L’approche est soutenue par les pouvoirs publics, notamment en France qui a légiféré en 2022 sur un contrôle parental installé par défaut sur les nouveaux appareils, car ces logiciels sont encore sous-utilisés. Pour les former, le groupe Meta, maison mère de Facebook, Messenger ou Instagram, a présenté mardi, outre de nouveaux outils, le «campus des parents» en partenariat avec plusieurs associations. Il s’agit d’un programme gratuit lancé sur internet dans les prochaines semaines. «Le rôle des parents dans l’accompagnement des jeunes sur les réseaux sociaux est prépondérant», affirme Capucine Tuffier, chargée de la protection de l’enfance chez Meta France. Mais pour le pédopsychiatre Serge Tisseron, membre du Conseil national du numérique, «les parents n’ont pas grandi dans ce monde-là et n’ont pas autant de temps que pré-ados et ados à y consacrer». Ainsi, ces annonces sont selon lui «cosmétiques», voire permettent aux plateformes de «blanchir leur image. (C’est) une façon de cacher leurs propres responsabilités, notamment en termes de modération très défaillante, autrement dit de créer un rideau de fumée pour cacher leur logique capitalistique» et la puissance des algorithmes, affirme-t-il. «Ces outils sont intéressants mais il ne faudrait pas faire croire aux parents que c’est la solution», appuie Marion Haza, présidente de l’association Open, car «ils peuvent donner l’impression que, parce que des parents ne sont pas geeks, ils n’auraient pas de légitimité à accompagner les enfants sur le numérique». L’implication des parents n’est de plus pas forcement bien perçue par les principaux concernés. «Il se braque, il interprète cela comme une critique de ses goûts», explique Arnaud, à propos de son fils de 13 ans. Et, pour lui, les outils restent «compliqués à utiliser», a fortiori quand «les enfants ont plusieurs écrans»: limiter le temps passé sur un appareil n’empêche pas d’en utiliser un autre. Selon Justine Atlan, DG du numéro national 3018 (pour les victimes de cyberharcèlement), les campagnes des réseaux sociaux ont le mérite de cibler les parents et de faire connaître les dispositifs existants, mais ne doivent pas «remettre en cause les efforts que les plateformes ont à faire pour être proactives dans la lutte contre le cyberharcèlement ou la vérification de l’âge». «Les parents sont troublés, angoissés, voire même en colère au sujet de la place du numérique dans la vie des enfants et ados avec un sentiment d’impuissance et de manque de contrôle», explique-t-elle. Ils représentent près de la moitié des 25.000 appels au 3018 en 2022, détaille-t-elle. «Les parents (…) ne peuvent lutter seuls contre l’attractivité des réseaux sociaux», estime-t-elle.