C’est peut-être la dernière étape d’une tentaculaire affaire qui court sur des décennies. L’ex-patron d’Orange, Stéphane Richard, sera fixé lundi à 13H30 sur son sort dans le dossier de l’arbitrage controversé de 2008 entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais. Sa condamnation en novembre 2021 lui avait coûté son poste à la tête de l’opérateur téléphonique historique: aux côtés de trois autres prévenus, Stéphane Richard s’était vu infliger un an de prison avec sursis et 50.000 euros d’amende pour complicité de détournement de fonds publics. Mais en juin 2023, la Cour de cassation a partiellement annulé la décision et ordonné un nouveau procès pour lui et pour le haut-fonctionnaire Jean- François Rocchi, ancien responsable du Consortium de Réalisation (CDR), entité chargée de gérer le passif du Crédit Lyonnais. Ce troisième procès s’est déroulé fin mars-début avril et l’arrêt a été mis en délibéré à lundi. Stéphane Richard, âgé de 63 ans aujourd’hui, est mis en cause car il était à l’époque directeur de cabinet de la ministre de l’Economie, Christine Lagarde. Depuis son départ d’Orange, il a rejoint la société de conseil financier et de gestion d’actifs Perella Weinberg Partners et, en octobre 2024, il a été nommé président du théâtre national de l’Opéra-Comique, sur proposition de la ministre de la Culture Rachida Dati.
«Dommage» colossal aux «finances publiques»: Cette affaire découle du conflit qui avait opposé Bernard Tapie, décédé en 2021, et le Crédit Lyonnais, autour du rachat de l’équipementier allemand Adidas dans les années 1990. Un arbitrage privé avait donné raison en 2008 à Bernard Tapie et lui avait octroyé plus de 400 millions d’euros. Mais cette sentence controversée avait ensuite été annulée au civil pour «fraude» en 2015, l’ancien ministre étant condamné à rembourser.
Une enquête pénale avait en parallèle été ouverte pour déterminer si l’arbitrage avait été truqué en faveur de Bernard Tapie, et au détriment de l’Etat. Six hommes, dont l’ex-patron de l’Olympique de Marseille, avaient été renvoyés devant la justice mais, en première instance, tous relaxés de façon spectaculaire. En appel néanmoins, la cour avait tranché en sens inverse, estimant que l’arbitrage avait bien été biaisé pour «faire triompher» la «partie Tapie». Il s’agit d’un «dommage financier qui est parmi les plus importants jamais causés volontairement aux finances publiques», avait souligné la cour d’appel. Par la suite, la Cour de cassation a validé définitivement les condamnations pour escroquerie de l’avocat historique de Bernard Tapie, Maurice Lantourne, et de l’un des trois arbitres qui avait rédigé la sentence, Pierre Estoup, ainsi que la relaxe d’un fonctionnaire. 225 millions récupérés: Concernant Stéphane Richard et Jean- François Rocchi, en revanche, la haute juridiction a relevé qu’ils ne pouvaient être condamnés pour complicité de détournement de fonds publics, dans la mesure où la cour d’appel avait, dans sa décision, reconnu qu’ils «ignoraient le caractère frauduleux de l’arbitrage». L’avocat général près la Cour de cassation avait suggéré une requalification en «négligence». Une infraction dont Christine Lagarde avait été reconnue coupable, mais dispensée de peine, en 2016 dans cette affaire, par la Cour de justice de la République – seule habilitée à juger les ministres pour des faits commis en exercice. Un autre volet de ce méga-dossier a été refermé en 2022: la CJR a prononcé un non-lieu en faveur de l’ancien ministre du Budget Eric Woerth, soupçonné d’avoir accordé un coup de pouce fiscal à Bernard Tapie au moment de l’arbitrage.