L’impatience des villages privés de téléphonie mobile

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Tandis que les opérateurs de téléphonie mobile commencent à proposer des forfaits 5G, dans des milliers de villages les habitants s’impatientent de ne pouvoir tenir une conversation depuis un portable sans coupures intempestives et s’alarment de la lente progression de la couverture. Depuis sa maison sur les hauteurs du village de Montigny (Meurthe-et-Moselle), Blandine Decker, infirmière libérale de 48 ans, peut admirer le paysage: beaucoup de verdure, du bétail, des hangars agricoles, quelques lignes électriques… Mais pas une seule antenne relais à la ronde. Un vrai handicap pour son activité professionnelle. «Mon téléphone, c’est mon outil de travail. Si j’ai des patients sous perfusion ou avec des problématiques lourdes, il faut que je sois joignable en permanence. Quand on a des personnes en fin de vie à domicile et que les familles ne peuvent pas nous joindre, c’est source d’angoisse pour elles. Et elles le perçoivent comme un manque de professionnalisme de ma part». Au volant de sa Fiat blanche, elle parcourt près de 1.000 km par semaine pour assurer la tournée des soins. Elle connaît par coeur les caprices du réseau aux alentours et aimerait qu’une solution pérenne soit trouvée. «La 4G, ça devrait être un acquis pour tout le monde. On paie des impôts comme les autres, on travaille, on devrait avoir accès aux mêmes services, mais non… Et je pense que chez Plaisance, c’est pareil». Plaisance, c’est la principale entreprise de la commune, une cinquantaine de salariés qui fabriquent du matériel de broyage, des tracteurs sur chenilles capables de réduire en miettes des pierres ou des troncs d’arbres. Treize millions d’euros de c.a. annuel, dont 20% à l’export, mais pour les coups de fil aux clients, le mieux est encore de sortir du bâtiment et d’appeler sur le parking. «Moi, je suis devant la fenêtre, ça passe encore, mais si vous changez de bureau ou allez dans l’atelier, ça ne passe plus», explique Patrick Culy, responsable commercial. Pour contrebalancer ces difficultés téléphoniques, l’entreprise a renforcé sa connectivité à Internet: elle a fait installer, à ses frais et par une société privée, une petite antenne offrant une connexion wifi par des ondes hautes fréquences. «On est sur des solutions bancales, c’est problématique depuis longtemps», concède M. Culy. «Pour une entreprise qui cherche à se développer, il faut attendre 20 ans pour avoir une avancée probante». L’«avancée» fait référence à l’arrivée de la fibre optique dans le cadre du plan de déploiement du Conseil régional. Le raccordement est prévu «d’ici l’année prochaine, normalement», indique le commercial. A la mairie, les élus s’activent depuis plusieurs années pour obtenir que l’Etat impose aux opérateurs l’implantation d’une antenne relais sur la commune. Le 16 mars 2017, le maire précédent avait inscrit Montigny sur le site internet France Mobile, élaboré par le gouvernement pour centraliser les requêtes. Depuis, la demande suit son cours. «On a l’impression d’être complètement oublié», s’agace Yolande Boulenger, la nouvelle maire. Elle s’inquiète surtout pour l’attractivité de sa commune. «On a un village vieillissant. Quand nos maisons sont mises en vente, si on veut attirer des jeunes, la téléphonie pose vraiment problème. Ici on n’a pas la 4G, et ça suffit pour ne pas vendre une maison». Montigny n’est pas un cas isolé. Sur le site internet de France Mobile, 5.890 communes ont signalé des problèmes de couvertures, dont 690 dans la région Grand Est. Le chiffre monte jusqu’à 1.205 en Auvergne-Rhône-Alpes ou 916 en Nouvelle Aquitaine. En 2018, l’annonce d’un vaste plan national d’équipement, le «New Deal Mobile», avait fait naître beaucoup d’espoir. Le plan consiste à faire installer, chaque année pendant sept ans, entre 600 et 800 antennes réparties sur la centaine de départements français. Mais sa mise en oeuvre a rapidement suscité impatiences et déceptions.