Pakistan: RSF qualifie d’«ubuesque» les limitations à la parole des présentateurs TV

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L’ONG Reporters sans frontières (RSF) a qualifié mardi soir d’»ubuesque» une récente décision des autorités du Pakistan limitant le droit des présentateurs de télévision à exprimer leurs opinions à l’antenne, dans un contexte d’attaques répétées contre la liberté de la presse dans le pays.

Dimanche, l’autorité régulant les médias (Pemra), dans une directive envoyée aux télévisions émettant sur satellite, a affirmé que «le rôle des présentateurs est de modérer les programmes d’une manière objective, neutre et impartiale, ce qui exclut de révéler leurs opinions personnelles, préjugés et jugements sur toute question».

Les invités de ces programmes doivent de leur côté être «sélectionnés» pour leur «crédibilité» et leur «impartialité», a poursuivi la Pemra. De multiples émissions politiques décryptent chaque jour l’actualité sur les nombreuses chaînes d’information en continu du Pakistan. La liberté de ton était jusqu’ici plus grande dans ces programmes que dans les journaux télévisés, radiodiffusés ou dans la presse. «Ce n’est pas le rôle d’un régulateur médiatique de dicter qui peut s’exprimer durant les débats, ni de décréter ce qui peut être dit ou non», a déploré Daniel Bastard, le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, dans un communiqué. «Avec cette directive ubuesque, la PEMRA viole non seulement l’indépendance journalistique et le pluralisme, mais elle réussit l’exploit d’établir un délit d’opinion», a-t-il poursuivi, exhortant le régulateur à «retrouver un semblant de crédibilité en abrogeant cet ordre, qui n’a d’autre but que d’intimider les médias».

D’après Reporters sans frontière, la directive a été envoyée après que des journalistes de télévision eurent commenté la semaine dernière la libération sous caution de l’ex-Premier ministre Nawaz Sharif, emprisonné et malade, ces commentaires ayant déplu à des magistrats. Un analyste politique est poursuivi pour «outrage à la cour», selon Reporters sans frontière.

M. Sharif, qui nie les accusations de corruption l’ayant vu condamné à deux reprises et accuse armée et justice de conspirer à son encontre, est «l’un des sujets implicitement «interdits» par les autorités», note RSF. Les médias pakistanais se plaignent d’être soumis à une censure et à des pressions croissantes depuis l’élection du Premier ministre Imran Khan en 2018. La diffusion d’interviews d’opposants a notamment été interrompue et des journalistes poursuivis. Mi-octobre, Dawn, le principal quotidien en langue anglaise, avait comparé le Pakistan aux «régimes répressifs dans lesquels les autorités de régulation «autonomes» sont en réalité des servantes de l’Etat».